Edito : Quand L’Equipe fait de rien une vérité…

Samedi dernier, on pouvait lire dans L’Equipe ceci : le PSG n’entend pas dépenser plus de 40M€ pour Kylian Mbappé. Une annonce du journal sportif qui ne repose sur rien, et encore moins sur une quelconque déclaration de Nasser al-Khelaifi, qui n’a pas parlé de l’attaquant de l’ASM, de sa valeur sur le marché, et de l’argent que le PSG serait potentiellement prêt à mettre sur la table pour espérer se l’offrir. Aujourd’hui, par l’intermédiaire de Damien Degorre, l’éditorial du quotidien est à charge, et moqueur. Il se base sur un postulat : le PSG n’entend pas dépenser plus de 40M€ pour Kylian Mbappé. Et il vise le président al-Khelaifi.

Gustave Le Bon (1841-1931), qui par ses écrits a beaucoup apporté à la psychologie sociale, avait bien compris le poids du slogan dans l’ère des foules. Ou quand l’affirmation pure et simple, sans preuve, tant qu’elle est répétée, devient vérité dans les esprits.

Vous en doutez ? Un exemple, nombreux sont ceux – y compris chez les fans parisiens – qui pensent que Kevin Trapp a coûté au PSG la première place du groupe A la saison dernière, en Champions League, à cause de son erreur à Santiago-Bernabeu contre le Real Madrid (1-0). Ce qui est factuellement faux puisqu’avec un 0-0 le PSG finissait… deuxième. Mais cela a été tellement répété que l’argument revient quand il faut évoquer le bilan du gardien allemand à Paris.

« Le PSG n’entend pas dépenser plus de 40M€ pour Kylian Mbappé », après l’affirmation, la répétition, puis la contagion à force de débats, de commentaires de spécialistes, d’auditeurs, sur les radios, les télévisions, sur le net ? Tout cela n’est que du football. Mais il serait dommage que l’on entérine dès maintenant, et que l’on répète tout au long de la carrière prometteuse de Kylian Mbappé, que le PSG et Nasser al-Khelaifi n’avaient pas voulu en 2017 mettre plus de 40M€ sur lui. Si cela survient, on ne se souviendra pas de l’origine de cette affirmation, mais elle sera considérée comme une vérité.

A moins que tout cela ne se dégonfle vite…

« Quand il s’agit de faire pénétrer des idées et des croyances dans l’esprit des foules – les théories sociales modernes, par exemple – les procédés des meneurs sont différents. Ils ont principalement recours à trois procédés très nets : l’affirmation, la répétition, la contagion. L’action en est assez lente, mais les effets de cette action une fois produits sont fort durables.

L’affirmation pure et simple, dégagée de tout raisonnement et de toute preuve, est un des plus sûrs moyens de faire pénétrer une idée dans l’esprit des foules. Plus l’affirmation est concise, plus elle est dépourvue de toute apparence de preuves et de démonstration, plus elle a d’autorité. […] L’affirmation n’a cependant d’influence réelle qu’à la condition d’être constamment répétée, et, le plus possible, dans les mêmes termes. C’est Napoléon, je crois, qui a dit qu’il n’y a qu’une seule figure sérieuse de rhétorique, la répétition. La chose affirmée arrive, par la répétition, à s’établir dans les esprits au point qu’ils finissent par l’accepter comme une vérité démontrée.

On comprend bien l’influence de la répétition sur les foules, en voyant àquel point elle est puissante sur les esprits les plus éclairés. Cette puissance vient de ce que la chose répétée finit par s’incruster dans ces régions profondes de l’inconscient où s’élaborent les motifs de nos actions. Au bout de quelque temps, nous ne savons plus quel est l’auteur de l’assertion répétée, et nous finissons par y croire. »

Extrait de « PSYCHOLOGIE DES FOULES » [ 1895 ] de Gustave Le BON

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