Marco Verratti au PSG : la fleur est-elle fanée ?
À l’issue d’une saison chaotique où l’élimination contre le Bayern Munich en huitième de finale de Ligue des champions sonne comme une énième désillusion, la question de l’avenir de certains joueurs majeurs se pose. Si le départ de Lionel Messi semble acté, Marco Verratti, récemment pris pour cible par certains supporters, pourrait reconsidérer son futur au sein club. La potentielle fin d’une ère.
Juillet 2012. Paris sort d’un premier exercice tumultueux sous l’ère QSI, 2ème de Ligue 1 derrière le Montpellier d’Olivier Giroud, meilleur buteur du championnat. Les dirigeants qataris promettent un mercato XXL, sous la tutelle de Leonardo, directeur sportif. Après l’arrivée d’Ezequiel Lavezzi, le 2 juillet 2012 contre 29M€ en provenance de Naples, le PSG lorgne sur Marco Verratti, milieu de terrain de Pescara, champion de Serie B et récent promu au sein de l’élite italien. Leonardo et la presse transalpine voient en lui le nouveau Pirlo.
À l’époque, personne n’y croit vraiment. Malgré une saison pleine de promesses à Pescara, où Verratti, placé pour la première fois en sentinelle, dispute 31 matchs de Serie B et délivre 6 passes décisives pour contribuer à la montée de son club en Serie A, celui qui deviendra le petit hibou ne connaît pas encore la grande scène.
Raison pour laquelle Carlo Ancelotti, entraîneur du PSG depuis le 30 décembre 2011, reste dubitatif à l’idée de recruter l’inexpérimenté milieu de terrain italien : « Verratti est un très bon joueur, mais il est très jeune. Nous avons besoin de joueurs avec plus d’expérience pour la Ligue des champions« , explique le technicien le 3 juillet 2012, lors de la première conférence de presse de la saison.
Même son de cloche du côté de certains observateurs français. Frédéric de Saint-Sernin, l’ancien président du Stade Rennais, étale son scepticisme sur RMC à l’époque de la rumeur. « C’est un joueur qui a moins prouvé que Belhanda (…) Il ne va pas jouer dans l’équipe première du PSG à 19 ans. Je vous fais le pari qu’il sera rarement dans les 18.«
Nasser Al-Khelaïfi et Leonardo prennent le pari. Et le gagneront. Après avoir fait le déplacement en Italie pour convaincre Daniele Delli Carri, directeur sportif de Pescara, de céder la pépite, les dirigeants parisiens officialisent l’arrivée de Marco Verratti le 18 juillet 2012, même jour qu’un certain… Zlatan Ibrahimovic. Ils devancent la Juventus et Naples, concurrents dans le dossier, en alignant 12 millions d’euros et 2 de bonus.
S’il débarque dans l’ombre du géant suédois (21 M€) et de Thiago Silva (42M€), le joyau ne tarde pas à s’imposer sous la tunique parisienne. Carlo Ancelotti le titularise devant la défense dès l’ouverture du championnat face à Lorient. Dès ses premières rencontres, l’Italien étonne par son sang froid balle au pied, sa science du placement, sa lecture du jeu, sa capacité à garder le ballon et fluidifier le collectif. Match après match, le nouveau chouchou du Parc des Princes contrôle le jeu et dicte le tempo, en Ligue 1 comme en Ligue des champions.
La valeur d’un milieu de terrain réside également dans sa manière à contrecarrer un pressing. Par son intelligence, Marco Verratti a toujours une seconde d’avance et sait se tirer d’affaire peu importe la situation. Toujours comparé à Pirlo, l’ancien numéro 24 du PSG rappelle Sergio Busquets également. Comme le Barcelonais, Verratti incarne le rôle de passeur avant tout – voir même le passeur d’avant la passe décisive – et si Andrea Pirlo est évidemment un donneur de caviars, il est surtout un exceptionnel frappeur, à l’inverse des milieux du FC Barcelone et du PSG, qui tentent rarement leur chance au but. Mais Verratti et Busquets se ressemblent surtout par leur lucidité, leurs feintes de corps et leur capacité d’analyse hors du commun.
Impressionnant de maturité, Verratti est le patron de l’entre-jeu du PSG à seulement 19 ans. Onze ans et 412 matchs plus tard, petit hibou est devenu grand et s’est imposé comme un joueur phare.
Sous Carlo Ancelotti, il éclot aux yeux du monde et devient l’un des meilleurs à son poste. Sous Laurent Blanc, Verratti, Motta et Matuidi forment l’un des meilleurs milieux de terrain au monde et pratiquent un football de possession qui reste probablement comme le plus beau jeu pratiqué au PSG sous pavillon Qatari. Depuis, sous Emery, Tuchel, Pochettino ou Galtier, Marco Verratti s’est parfaitement adapté au football de transition et n’a cessé d’être un taulier du club. Probablement la plus belle inspiration mercato du Paris Saint-Germain version QSI.
Car il n’a pas seulement étalé sa classe sur les pelouses. Il a également conquis le Parc par sa personnalité émotive et son caractère unique, impétueux, parfois agaçant mais surtout attachant. « Marco… On va peut-être l’appeler Marc à un certain moment. Il est très marqué parisien, très marqué PSG. » Les mots de Christophe Galtier après la dernière prolongation de Verratti symbolisent son histoire et sa longévité. L’Italien est profondément attaché à Paris et son club. Il est devenu autant parisien que pescaresi.
Mais si Verratti aime Paris de tout son coeur, le Parc des Princes lui a probablement rendu le double, et attendu le triple de lui. La carrière de Marco Verratti au PSG caractérise parfaitement le projet QSI : ô combien prometteuse, remplie de (très) hauts et de (très) bas, marquée par les excès et l’éternelle impression que jamais, le potentiel n’a été exploité dans son intégralité. Une histoire passionnelle, où les rêves les plus fous ont semblé envisageables, avant de se transformer en immuables déceptions.
Arrive-t-on à l’épilogue d’une histoire d’amour aussi belle que douloureuse ? Depuis onze ans, le désormais numéro 6 de Paris a tout vécu. Des joies euphoriques, des criantes désillusions, un départ avorté, des polémiques, des excès, des nouveaux projets… Au total, Verratti cumule une finale de Ligue des Champions, 7 Ligue 1, 6 Coupes de France, 6 Coupe de la Ligue et 9 Trophées des Champions.
Aujourd’hui, le maestro italien est en passe de devenir le joueur le plus capé de l’histoire du club et dépasser Jean Marc Pilorget et ses 435 matchs. Avec 23 matchs d’écart, il ne le fera que s’il reste la saison prochaine. Une hypothèse de moins en moins envisagée par les observateurs, comme par les acteurs concernés.
Selon L’Equipe, l’ancien de Pescara s’interrogerait sur son avenir. Agacé par les échecs à répétition et les récentes invectives du CUP à son égard, l’Italien pourrait estimer l’herbe plus verte ailleurs, et céder aux sirènes saoudiennes, qui promettent une rémunération conséquente.
Au sortir de la plus mauvaise saison de son aventure parisienne (1 passe décisive en 34 matchs TCC), et alors que certains supporters l’érigent en coupable du désastre actuel, Verratti semble lassé. D’autant qu’il n’est pas retenu par Luis Campos, pas opposé à un départ du joueur, notamment depuis son retour de la Coupe du monde avec des kilos en trop. Symbole de l’ère QSI – et sûrement aussi de ses échecs – l’heure du départ de Marco Verratti aurait-elle sonné ?
Un transfert paraît compliqué à mettre en place. Comment et où peut-il rebondir ? En Italie, le milieu a évidemment la cote. La Juve, Naples, l’Inter ou le Milan AC sont des prétendants naturels, mais le salaire faramineux du milieu (14,4M€ par an) semble impossible à atteindre pour ces clubs en difficulté financière. Verratti pourrait bien aller toucher le pactole en Arabie Saoudite ou aux Etats-Unis, mais à 30 ans, le petit hibou ambitionne sans nul doute de continuer à performer sur la scène européenne.
Poursuivre une aventure qui procure plus de mal que de bien aux principaux protagonistes n’a jamais semblé être une bonne idée, mais la situation paraît bloquée. La solution réside sûrement dans l’arrivée d’un coach à forte personnalité – Mourinho, Zidane, Conte – qui saura concerner Verratti comme ont su le faire Carlo Ancelotti et Thomas Tuchel. Cela peut également passer par des renforts de qualité au milieu de terrain. L’Italien est isolé depuis trop longtemps dans le coeur du jeu de Paris et compter sur un miracle de sa part n’est plus possible.
Si aucun véritable supporter du PSG ne souhaite son départ, tant petit hibou incarne l’âme du club, Marco Verratti doit se remettre en question. Sous peine de voir sa fabuleuse histoire d’amour au Paris Saint-Germain se transformer en éternelle déception.