OPINION – Lucas, ou l’exemple du traitement ravageur des réseaux sociaux

Avant que la Ligue 1 ne reprenne ses droits, et que le football ressurgisse dans tous les esprits, il était temps de repartir sur des bonnes bases. Et de mettre un point d’honneur à éviter de reproduire les erreurs du passé. Ça vaut pour l’équipe que l’on soutient, mais ça vaut aussi pour ceux qui la soutiennent.

Plus jamais ça ?

Quel terrain est plus fertile que les réseaux sociaux pour déverser son torrent de haine sans n’avoir aucun compte à régler en retour ? Quoi de plus simple que de tacler sans avoir à débattre, d’insulter sans se justifier, de se moquer sans en assumer les conséquences ?

Les ravages des réseaux sociaux, on ne les découvre pas aujourd’hui. Et surtout dans le milieu du football, où les sentiments sont exacerbés à outrance. Dans une tribune ou sur son canapé, qui n’a jamais vociféré, haï, ovationné puis insulté ? Oui, le ballon rond suscite parfois des émotions incontrôlables et un sentiment de joie comme de rage assez inexplicable pour ceux qui se contentent de dire « mais ce n’est qu’un jeu ». Non, le football n’est que rarement un jeu parce qu’il touche au cœur, à la passion, et aux tripes de celui qui se plonge dans ses méandres. Mais hurler devant son écran de télévision justifie-t-il d’aller apostropher directement les joueurs pour leur déverser une haine en plein visage ?

Sur les réseaux sociaux pourtant, il est devenu monnaie courante de voir les joueurs se faire lyncher numériquement. L’exemple de Lucas Moura en est l’un des plus frappants.

Non, Lucas n’est pas le plus grand joueur de tous les temps et même sur Canal Supporters, nous avons toujours défendu un bilan honorable, mais rarement une place de titulaire indiscutable. Parce que le joueur est limité techniquement, qu’il ne correspond pas forcément aux standards imposés par la maison francilienne, et que le PSG peut aspirer à de plus grandes ambitions que d’aider le Brésilien à stagner. Mais Lucas a achevé la saison la plus prolifique de sa carrière (19 buts et 10 passes décisives), et il est indéniable que si les crampons n’y sont pas toujours, le cœur et les poumons sont bien là. Voilà, pour la partie sportive, et sans vraiment entrer dans les détails.

Parce que Lucas, c’est avant tout un homme. Un homme de terrain, oui, qui a ses défauts, et ses qualités. Mais qui, humainement, n’a jamais eu une seule chose à se reprocher. Jamais, le joueur n’a rechigné à travailler. Jamais, il n’a critiqué son entraîneur ou l’un de ses concurrents sur le terrain. Jamais il ne s’en est pris à un partenaire ni même à un adversaire. Jamais Lucas n’a évité les critiques, ni même les reproches de ses propres entraîneurs. Il n’a jamais critiqué ses mises au banc. Parce qu’il n’est tout simplement pas de ce genre-là. Il est de ceux qui mouillent le maillot même si ce n’est que pour 5 minutes en fin de match. De ceux qui applaudissent les supporters à la fin d’un match. Lucas est de ces (trop) gentils qui prennent les coups sans jamais en rendre.

C’est une denrée rare dans le football et il faut aussi le dire. L’attaquant ne soulèvera peut être pas les foules, ne marquera surement jamais le but le plus inoubliable (même si pour le coup, on a envie de lui souhaiter), mais il ne mérite certainement pas le déchainement de violence dont les « internautes » se délectent.

Car sur le web, tous les coups sont permis, et beaucoup prennent un malin plaisir à le rappeler aux concernés. Mais qui s’amuse à aller insulter un acteur après un mauvais film ? Qui adore s’en prendre à un chanteur après une mauvaise chanson ? C’est mauvais, c’est mauvais, point, et pas besoin de rentrer dans le cadre de l’agression pour le signifier. Chose que visiblement, beaucoup ont oublié dans le milieu du football, en occultant volontairement le faire que oui, il y avait des humains derrières les joueurs, et des sentiments sous les maillots.

Le plus agaçant, c’est que beaucoup se targuent d’être « supporters » du PSG dans ce flot d’agresseurs numériques. La définition même du supporter n’est-elle pas d’être quelqu’un capable de supporter, dans les bons comme dans les mauvais moments ? De soutenir le meilleur comme le pire joueur de l’équipe ? Être mécontent, s’agacer, charrier, c’est normal. Insulter, c’est autre chose. Lui envoyer tous les jours des messages pour lui demander qu’il quitte la capitale, c’est encore autre chose. Et à Paris, beaucoup de supporters ont visiblement la mémoire assez courte pour oublier qu’avant, le principe même qui régnait au dessus du Parc des Princes était que « siffler nos joueurs, c’est cracher sur nos couleurs ».

Lucas, lui, fait l’objet d’un odieux déchainement depuis le début de l’année. Par ces mêmes « supporters », qui semblent oublier au passage que si Lucas n’est pas au Panthéon des légendes parisiennes, il est loin d’être le pire joueur qu’ai connu le PSG depuis sa création, et que beaucoup auraient aimé l’avoir dans l’équipe il y a quelques décennies. Alors oui, peut être que Lucas doit quitter Paris pour des raisons X ou Y, et qu’il doit s’offrir un nouveau souffle ailleurs. Peut être que le PSG peut rêver mieux sportivement, et lui espérer mieux humainement. Mais offrons lui, quoi qu’il advienne, le respect qu’il a toujours eu envers l’institution Rouge et Bleu.

Parce que le pire dans tout ça, c’est que le Brésilien a l’audace de lire ces tacles, et d’y répondre avec une petite dose d’humour. Preuve que finalement, l’intelligence c’est aussi de savoir passer au dessus.

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