[Analyse] Le PSG est-il vraiment meilleur en Ligue des champions qu’en Ligue 1 ?

Entre l’exploit du Paris Saint-Germain face au FC Barcelone (4-0) en 8e de finale de la Ligue des champions et la contre-performance face à Toulouse en championnat (0-0), l’équipe d’Unai Emery a montré deux visages radicalement différents. Mais ces changements d’attitude et de jeu s’expliquent-ils vraiment par un PSG qui serait davantage taillé pour l’Europe ? Pas si sûr.

Tout d’abord, même si le PSG a été si différent dans une seule petite semaine, il ne faut pas se limiter aux raccourcis : non, le PSG n’est pas juste brillant en Ligue des champions et totalement insuffisant en Ligue 1.

Loin d’être désastreux en L1 et pas toujours excellent en C1

Pour rappel, même si l’équipe francilienne a déjà compilé 5 matches nuls sur sa propre pelouse du Parc des Princes, et perdu 4 autres rencontres en championnat, le PSG est encore loin de l’état d’alerte dans l’Hexagone, puisqu’il compte tout de même 56 points en championnat après 26 journées. Alors oui, il peine à récupérer son fauteuil de leader, mais c’est aussi parce que Monaco et Nice font un parcours exceptionnel cette saison. Pour preuve, Monaco comptait 46 points au même stade la saison passée, et il était deuxième. Avec ce même niveau de performance, personne ne contesterait le statut dominant des Parisiens.

D’autant plus qu’en ce début 2017, sur les 11 matches disputés contre les équipes françaises, le PSG n’a perdu aucune rencontre (9 victoires pour 2 nuls). Bref, il y a pire comme bilan comptable.

En parallèle, si l’exploit face au Barça a peut-être lancé la saison européenne des Parisiens, il faudra prendre davantage de recul pour pouvoir affirmer que ce PSG-là est celui qui est complètement taillé pour la Ligue des champions. En témoignent d’ailleurs les résultats décevants face à Arsenal et Ludogorets en phase de poules, montrant que parfois, le terrain continental n’est pas le plus fertile pour les hommes d’Emery.

Et le style de jeu, dans tout ça ?

Un match nul face à Monaco, un match nul face à Toulouse, une victoire arrachée à la dernière minute face à Lille… Il est vrai que sur l’année 2017, le PSG n’a pas montré que son visage le plus flatteur dans les rencontres de Ligue 1. Alors qu’à contrario, pour le match le plus attendu de la saison (celui face au Barça), l’équipe a relevé le défi bien plus qu’espéré avec une performance collective époustouflante. Alors comment expliquer ce soudain contraste ?

Le style de jeu, déjà. Le problème des blocs bas auxquels se confronte le PSG est lancinant et Emery semble peiner à résoudre cette équation made in Ligue 1. Parce que les latéraux ne sont pas en pleine possession de leurs moyens (comme Maxwell fatigué ou Aurier dépassé face à Toulouse), que les ailiers peinent à étirer le bloc parisien (tendance à trop repiquer dans l’axe pour Lucas et Draxler, gênés par la défense toulousaine), et que la véritable force des joueurs d’Emery cette saison – les courses percutantes – n’ont qu’un effet très limité face à un tel mur défensif.

Et puis, même si quelques occasions auraient clairement pu faire changer le cours du match (poteau, ballon de Marquinhos repoussé par Kimpembe, fautes qui auraient pu être sifflées…), il manque parfois à ce PSG-là un déclencheur pour passer la seconde. Et s’il n’était toujours égal à lui-même en Ligue des champions, Zlatan Ibrahimovic incarnait à merveille l’homme capable de faire basculer ce genre de rencontre. Parce qu’il changeait évidemment toute l’expression collective et installait – par ses décrochages – ce côté lent, technique, très placé pour avoir l’adversaire à l’usure. Et offrait souvent à Paris, des victoires sur le fil.

Source Stats PSG.fr

En Ligue des champions, c’est un peu le contraire. Intensité, courses, verticalité et surtout, implication de tous : sur le terrain, les espaces sont plus propices à l’expression même du jeu, surtout quand on se confronte à des équipes du même calibre. Plus besoin d’un joueur plus décisif que les autres : tous doivent assurer les relances comme le repli défensif. Attaquer, comme défendre. Permuter, pour saisir les failles. Contre le Barça, c’est finalement le PSG tant désiré par Emery qui s’est enfin montré : un PSG solidaire, physique, percutant dans ses courses, rapides sur les ailes et très rigoureux dans son replacement. Qui, quand il tire, vise juste.

Le PSG face à la MSN, c’est le PSG qu’Emery souhaiterait voir tous les weekends, y compris quand il s’agit de pouvoir battre Dijon. Romain Molina, auteur d’une biographique sur le Maestro*, a d’ailleurs son avis sur la question : « Je pense que c’est plus ‘facile’ en Europe à cause du style de jeu. Tu ne disposes pas d’un buteur à la Ibra, ou d’un maître du jeu de position (Pastore pourrait l’être à 100%) donc tu as beaucoup de joueurs ayant besoin d’espace… Après il faut savoir que le staff parisien travaille justement sur une animation différente pour les matches de ce type en championnat. Ils sont en train d’imaginer quelque chose de plus hybride, pour contourner ce problème. »

Le mental, le facteur X ?

Et puis, il y a aussi le mental, évidemment. Cette saison, ce retour dans les sphères « finales » de la Ligue des champions avait comme un goût de revanche. De revanche par rapport à la saison passée, et cette déroute inqualifiable face à Manchester City. Mais aussi et surtout de revanche face à l’armada Blaugrana, qui avait tant fait souffrir l’effectif français. Ce match-là, étant donnée la configuration en championnat et l’envie débordante sur la scène européenne, conditionnait presque tout cette saison. La grinta, la personnalité, la rage de vaincre et de prouver : appelons-ça comme on le souhaite, mais les Parisiens avaient faim de reconnaissance face au mythique Barça.

Alors forcément, les Parisiens ont redoublé d’efforts, et Emery de travail. Parce oui, le coach basque a aussi sa part d’influence dans ce double-visage, et une affinité toute particulière avec les compétitions européennes.

« Je ne crois pas qu’il existe un coach réellement meilleur en Coupe qu’en championnat. Unai prépare tous ses matches avec un soin terrible, que ce soit le Barça ou Niort. Néanmoins, en Europe, la gestion du match et de l’avant-match psychologique est différente, c’est évident. Là où Unai est fort, c’est qu’il sait ressortir quelque chose en plus de ses joueurs pour retourner des situations, comme lors de la finale de Séville face à Liverpool. Je suis donc tenté de dire que oui, il a un rapport particulier avec l’Europe, car il a toujours réussi dans les matches à élimination directe, là où il faut du sang-froid et transmettre quelque chose aux joueurs. Il sait comment s’y prendre. Il ne faut pas oublier qu’Emery a une certaine aura en Coupe d’Europe vis-à-vis de son groupe », nous a d’ailleurs expliqué Romain Molina.

Rien de plus logique, non plus, que « le retour sur terre » face aux Toulousains ait comme un goût de déjà-vu sans saveur, pour des Parisiens qui ont joué quelques jours avant l’un des plus beaux matches de leur carrière.

Même Unai Emery, qui se plait à galvaniser ses joueurs avant les grosses rencontres, ne peut légitimement pas demander un tel investissement de la part de ses hommes à chaque rencontre (et même si ce devrait être la norme), comme nous l’explique Romain Molina : « Emery sait que sur ce genre de matchs, il faut être inventif et créatif dans son discours (cf., la demi-finale aller d’Europa League contre le Shakhtar, il a demandé à Reyes de faire la causerie. Pourquoi ? Il s’était fait opérer de l’appendicite et était donc sur son lit d’hôpital. Dans le vestiaire, Unai avait réalisé un direct vidéo entre le groupe et Reyes, qui parlait depuis son lit d’hôpital. Effet garanti puisque certains avaient des sanglots). Est-ce que tu fais ça pour un match de championnat ? Pas sûr. Ton message passe plus facilement aussi dans ces circonstances que dans un match lambda. Regarde les efforts des joueurs : dans un stade en fusion, c’est plus facile aussi et ça s’accorde avec la méthode d’Unai. »

Alors face à Toulouse, la donne est forcément différente. La fatigue physique après ces 90 minutes éprouvantes face au Barça, le manque d’entrain (et de solution tactique aussi) face à une équipe venue défendre à dix, le besoin de laisser quelques joueurs au repos, et l’inévitable décompression après cette affiche : nombreuses sont les autres interprétations qui peuvent aussi expliquer le « relâchement » de Parisiens au summum de leur art quelques jours plus tôt.

Reste désormais à savoir si le PSG va très vite contourner ses vieux démons en Ligue 1, et continuer à surprendre sur la scène européenne, avec un niveau qui n’est autre que le sien quand il y a tous les ingrédients pour briller. Si le PSG va retrouver sa domination sur ses terres françaises, ou s’il va chercher à s’en offrir une nouvelle sur le continent. Dès lors, il sera temps de tirer des conclusions sur ce PSG, version Unai Emery.

*Unai EmeryEl Maestro, de Romain Molina. Edition Hugo Sport.

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