Beilin propose « l’autopsie d’un naufrage technique et tactique »

Scout, recruteur, analyste tactique, Jonathan Beilin est l’invité spécial de Canal Supporters. Son éditorial.

Paris n’a pas sa place en demi-finale de Ligue des Champions parce que Paris ne progresse plus. Hier soir, ce fût un des plus grands échecs de l’histoire du Paris Saint-Germain. Et je pèse mes mots. Tout d’abord parce Manchester City est adversaire largement abordable pour espérer se qualifier pour les demies. Ensuite parce que ce naufrage est le résultat d‘erreurs majeures qui ont été accumulées tout au long de la saison et depuis des années dans le casting. Autopsie d’un naufrage technique et tactique.

Comment ne pas commencer par Laurent Blanc ? Tactiquement, après s’être trompé à l’aller en changeant des joueurs performants (Marquinhos et Lucas) par deux joueurs en plein doute (Aurier et Cavani), l’entraineur cévenol a tenté de manière incompréhensible de changer son système tactique et les certitudes de l’équipe. Il a fallu attendre la blessure de Thiago Motta pour retrouver un 4-3-3 habituel bien plus performant. Pourquoi retenter le coup Aurier lorsque celui ci s’est retrouvé en immense difficulté en ce moment ? Aurier, nous y reviendrons. Ce qui avait fonctionné à l’aller à été imputé aux joueurs. L’animation offensive parisienne qui, dans le jeu, permit au PSG de se procurer une dizaine d’occasion a été gommée en recentrant le jeu vers l’axe. Pendant près de quarante minutes, le jeu n’a jamais été aéré dans la profondeur ou sur les cotés. Les cinq joueurs positionnés dans l’axe (Motta, Rabiot, Di Maria, Ibrahimovic et Cavani) se sont marchés dessus dans le rond central, perdus et sans repères. Il faut être fou pour tenter ce pari pour la première fois en quatre ans sur un match retour de quart de C1. Quarante minutes, c’est ce qui a suffit à Manchester City pour prendre confiance défensivement après une quarantaine de match moyens cette saison et à Paris de remettre en cause toutes ses certitudes. Le bilan est accablant. Paris ne s’est procuré aucune occasion majeure dans ce match et ce constat est un échec cuisant dans son essence. Paris a failli par le jeu, le jeu qui est la principale force du Paris Saint-Germain. Le jeu est ce qui a permis au club de passer contre Chelsea. Le jeu est ce que Laurent Blanc prône depuis son arrivée. C’est sans doute le plus grand symbole de l’échec de Laurent Blanc cette saison en Ligue des Champions.

Après il y a les joueurs. Il est important de différencier l’animation offensive de l’animation défensive. Offensivement c’est récurrent et très simple. En l’absence de Verratti et Pastore, Di Maria est le seul joueur capable de faire des différences et des décalages. Il est responsable dans le jeu de toute la créativité de l’équipe. Pellegrini l’a bien compris. C’est pourquoi le système défensif de City fonctionnait en deux temps. Tout d’abord serrer au maximum les deux lignes défensives autour de l’axe (les deux défenseurs centraux et les deux milieux axiaux) et ensuite empêcher Di Maria se retrouver face au jeu. Ces deux consignes ont suffi à anesthésier toute l’animation offensive du PSG. Ensuite, il est important de souligner un fait. Cavani ne possède pas la qualité technique d’un joueur de très haut niveau. Aussi bien balle au pied que dans sa qualité de passe, il n’est pas capable de faire la moindre différence. Dans ce schéma ci, il me semble donc peu probable qu’Ibrahimovic se retrouve en bonne position pour faire trembler les filets. Il n’a reçu aucun ballon lui permettant de pouvoir faire plus lors de ce match. J’ai bien peur que ses limites n’aient été atteintes pour la quête de la C1. Au moment où les négociations sont toujours plus avancées concernant une éventuelle prolongation, il me semblerait opportun de partir sur un autre cycle. Son manque d’efficacité au match aller pèse lourd dans l’élimination. Les seules différences hier ont été faites par Rabiot lorsqu’il a réussi à se projeter vers l’avant ou après l’entrée de Pastore toujours aussi juste techniquement. Dans l’animation défensive, Paris a encore une fois défendu en reculant. L’absence de Matuidi s’est faite sentir au niveau de l’agressivité et de l’impact physique. Manchester City avait pour plan de ressortir proprement le ballon en deux touches maximum et c’est la mobilité de ses joueurs qui a permis à l’équipe de respirer et à prendre confiance progressivement au cours du match. Les joueurs du PSG ont passé 90 minutes à essayer de gérer les espaces défensifs et c’est d’ailleurs un manque de contrôle global de l’animation qui a permis à De Bruyne de marquer l’unique but de ce match. Les joueurs ont été comme trop souvent dans la réaction et cette action a établi un grand déséquilibre sur le coté gauche de la défense puis sur le coté droit avant de finir en retrait dans l’axe. Un classique dans une mauvaise gestion des espaces défensifs.

Il me semble important de m’arrêter sur le cas Aurier. L’affaire du périscope a fragilisé l’équilibre du groupe, l’équilibre du vestiaire. C’est sans doute le moment clé de la saison du PSG. Avant cet épisode, la saison était proche de la perfection. S’en est suivi rapidement deux contres performances en Ligue 1, dont la première défaite de la saison à Lyon. Et puis, il y a eu la réintégration, que tout le monde a bien vite enterrée. Mais les dégâts étaient la. Dans cette double confrontation, qui tombe par hasard au même moment que cette réintégration, je n’ai rarement vu aussi peu de solidarité sur le terrain. Focalisons nous maintenant sur le sportif même si malheureusement les deux sont liés. Il faut arrêter de croire qu’Aurier est un formidable arrière latéral. Pour être un bon arrière latéral, il faut d’abord être bon défenseur. Ce qui n’est pas son cas. En plus d’être mauvais dans son placement et son replacement, ses deux dernières prestations européennes ont montré à ceux qui se voilaient encore la face qu’il n’a aucun placement et des problèmes de concentration. Tant que le Paris Saint-Germain se présentera avec des joueurs comme Aurier, David Luiz et Cavani, il sera impossible d’avoir de réelles ambitions en Ligue des Champions. David Luiz n’est pas un bon défenseur et il ne le sera jamais. Certes il a d’autres qualités comme un apport mental important, un gros impact dans les duels mais sa lecture de jeu, son placement et ses fautes de concentrations sont, comme pour Aurier, un danger pour le club au très haut niveau. Cavani lui c’est à la fois le même problème que David Luiz et en même temps très différent. Comme David Luiz paradoxalement ses qualités sont paradoxales par rapport à son poste. On souligne souvent sa générosité et son implication défensive mais ce n’est pas ce que j’attends d’un attaquant de très haut niveau. Il suffit de comparer avec les standards des grands clubs (Ronaldo, Neymar, Ribery ou Douglas Costa, Ozil, Sanchez et même Griezmann) pour comprendre à quel point ce n’est pas suffisant. Encore une erreur de casting. Et puis il y a aussi Motta, en grande difficulté ces derniers mois. Il n’a tout simplement plus le niveau. Il me semble déterminant de replacer Verratti en 6. Ce replacement l’aidera physiquement. Verratti est trop souvent blessé. Il a raté beaucoup trop de matchs décisifs pour le club depuis trois ans. Le fait de jouer en 6 change considérablement la gestion de ses efforts et puis Pirlo jouait à ce poste là non ?

En parlant de casting, il ne faut pas oublier la responsabilité de la direction du club. Les dirigeants sont responsables tout d’abord du départ de Carlo Ancelotti, un des plus grands entraineurs du monde. Ils sont responsables aussi du recrutement de Cavani. Il me semblait alors plus prioritaire de recruter un spécialiste sur le coté gauche à ce prix la. Ils sont responsables aussi du recrutement de David Luiz. Sans parler de son niveau de jeu moyen, l’émergence de Marquinhos ne nécessitait surement pas un tel investissement à ce poste. Puis pour parler de cette saison, le timing de la prolongation de Laurent Blanc ne me paraissait pas judicieux. Le départ de Lavezzi en cours de saison est à mon sens, encore une fois uniquement pour le groupe, une erreur. Et enfin, la gestion de l’affaire Aurier. Dans n’importe quel grand club, le joueur aurait été placardisé, un acte qui aurait montré l’importance de l’institution. Et encore, je ne m’attarderai pas sur les campagnes de communication qui à mon sens manquent cruellement d’humilité. Tout cela démontre une chose : le club grandit mais la structure du club manque de consistance, de solidité, de professionnalisme. La structure du club ne grandit pas à la vitesse du club.

Le Paris Saint-Germain stagne. De nos jours, une stagnation équivaut à une régression. Il sera important au cours des prochains mois de changer les hommes. Laurent Blanc a subi trois échecs consécutifs en quart de finale de la Ligue des Champions, d’autant que cette année, les portes du dernier carré étaient plus franchissables. Au delà d’être fragilisé, si le PSG veut grandir, il devra se doter d’un entraineur d’un niveau supérieur. Pour les joueurs, le constat est le même, pour aller plus loin dans ce tournoi, il faudra renouveler un effectif dont certains cadres sont à bout de souffle. Le PSG possède un joueur de classe mondiale : Thiago Silva. Il faudra s’appuyer sur des joueurs prometteurs comme Verratti, Marquinhos, Rabiot et Kurzawa. Hier soir, la déception était immense. L’élimination est douloureuse et il faut se dire les choses : la saison est finie et il faudra encore attendre un an.

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