[ITW CS] Gavelle : « Ces joueurs-là ont une ambition autre qu’une simple victoire en championnat »
Nous avons rencontré Christian Gavelle, photographe officiel du Paris Saint-Germain depuis 30 ans. Un entretien dans le cadre de la parution de l’ouvrage « Culture Club : 30 ans de photographies au PSG ». Une interview réalisée par Ambre Godillon. Première partie.
Canal Supporters : Vous qui êtes
un œil sur le PSG depuis 30 ans, à quelle deuxième partie de saison
vous attendez-vous ?
Christian Gavelle :
Dans le foot, tout peut aller dans un sens comme dans l’autre. Mais
le PSG a acquis depuis quelques années une expérience, une
certaine maturité. A moins d’un gros accident, on peut
être optimiste.
CS : Vous êtes le
plus ancien salarié du club, beaucoup de joueurs comme Rothen ou
Pauleta disent de vous que vous êtes un grand Monsieur du PSG… Vous
faites indiscutablement partie des murs… Est-ce que cette position
inspire du respect et facilite votre travail ?
CG :
Quand un joueur arrive au PSG, je ne vais pas lui dire :
‘Ouais, ça fait 30 ans que je suis là… Je connais tout le
monde, etc.’ En fait, il y a pas mal de
joueurs qui l’ont découvert. C’est même
amusant. Jérôme Touboul a offert ce livre à chaque
joueur, Hatem Ben Arfa est venu me voir pour me
féliciter alors qu’il n’est pas concerné. Ce livre s’arrête à la
fin de saison dernière. Je trouvais ça sympa. Il s’est plongé
dedans. Je ne veux pas dire que mon livre inspire le
respect, mais on se rend compte qu’il y a une histoire assez
longue.
CS : Dans votre
livre, vous le dites, vous cherchez à montrer le meilleur du PSG.
Il y a 136 scènes de joies, 166 photos de célébrations, 108 photos
de matches… Mais vous évitez les scènes de détresse, vous n’aimez
pas les ambiances tendues, et vous éviter le vestiaire après une
défaite. Votre vision du PSG n’est-elle pas édulcorée
?
CG : Il y a
quelques photos de détresse. Il y a Fred Déhu assis par terre après
un match à La Corogne, et le 4-3… Mais le PSG a plus vécu des beaux
moments (sourire), des victoires. La période la plus
difficile, on ne va pas se le cacher, c’est quand le PSG a failli
descendre en deuxième division. Avec ce match à Sochaux.
Il y a une photo de joie, avec Pauleta après cette rencontre.
A part cette période, le PSG a plutôt été tourné vers les
sommets. La détresse, ça peut être très beau, mais ce
n’est pas forcément facile à l’instant T. Ce n’est pas forcément
très simple. Comme pour les moments d’énervement.

CS : Pourtant,
vous avez mis les larmes de Rai en couverture, et vous décrivez
celles de Pauleta comme l’une de vos photos les plus émouvantes…
Les adieux ont l’air de particulièrement vous
captiver…
CG : Oui, ce
sont de beaux moments. On dit souvent que les joueurs sont
des mercenaires, qu’ils n’ont pas l’amour du maillot, qu’il n’y a
pas de sentiments, que seul le cachet compte. On découvre
dans ces moments-là que ce sont aussi des hommes. Et qu’ils ont une
sensibilité. Il y a des moments où ils craquent et c’est
très fort émotionnellement. C’est touchant de les voir
dans cet état.
CS : D’ailleurs,
côté vestiaire… Vous nous avez fait partager la joie de Rai en 96,
l’euphorie de Mendy en 2004, celle de Makelele en 2010 et tant
d’autres… Et puis il y a cette photo de Silva, Marquinhos et Lucas
qui posent « pour la forme » après une qualification en finale de
la Coupe de France en 2015 et vous décrivez « je voulais
immortaliser des scènes de joies, mais c’était le calme plat. Ce
PSG là inscrit le succès dans sa routine » : est-ce que cette
nouvelle concurrence dans l’Hexagone est une aubaine pour vous en
tant que photographe, pour redonner de la saveur aux victoires
?
CG : Tout à fait ! Pour
l’anecdote, il y avait précédemment après une victoire ce
qu’on appelle le cri de guerre. Petit à petit, cette scène n’existe
plus. La victoire est entrée dans l’ADN du
PSG. Ces joueurs là ont une ambition autre qu’une
simple victoire en Championnat. L’objectif est de
gagner des titres. C’est leur degré d’exigence. Il m’est
arrivé d’entrer dans le vestiaire après un match et me dire que
quelqu’un qui ne connait pas le résultat ne peut pas savoir si
l’équipe a gagné ou pas. Parce que les garçons sont calmes, assis,
sans hystérie collective.
CS : La plus belle épopée
?
CG : C’est
difficile. Mais quand le PSG a remporté la C2 en 1996,
c’était un super beau moment. Cela faisait pas mal
d’années que le PSG arrivait en demi-finale de pas mal de coupes
d’Europe. Il était temps qu’on en gagne une. Et
cela restera la première coupe d’Europe remportée par le
PSG. Et j’étais là. J’avoue que j’aimerais
maintenant vivre une victoire en Champions League.
J’espère que ce ne sera pas dans trop longtemps. La
photographier, ce serait une pression. En 96, je savais
après le match que la nuit serait longue. C’était
épuisant.
CS : A part
quelques ovnis et une série de photos prises en 2007, vous n’avez
quasiment aucune photo en noir et blanc. Pourtant, votre couverture
et quatrième de couverture le sont… Comment l’expliquez vous
?
CG : Ce sont
des sujets qu’on avait décidés de faire en noir et blanc, pour plus
de profondeur. J’avais fait, en 2006 je crois, un calendrier qui
s’appelait « Les Princes du Parc » en noir et blanc.
Cette photo de Rai était en couleur, c’est un
choix de l’éditeur de l’utiliser en noir et blanc. Elle
n’est pas très parlante pour un non initié, pour quelqu’un qui ne
connait pas bien l’histoire du PSG. Ce livre
s’adresse à des gens qui aiment le PSG.
CS : Pour un amoureux du PSG, ce
livre est-il un indispensable à avoir ?
CG : Il ne
raconte pas tout le PSG puisque je n’étais pas là lors des
premières années. Mais ça raconte 30 des 46 ans en images
et en anecdotes.
CS : Avez-vous
le plus beau métier du monde ?
CG : C’est un beau métier. J’ai la
chance d’être le photographe officiel du Paris
Saint-Germain. Quand on aime le PSG et la photo comme moi,
c’est un super job. Maintenant, il faut aussi savoir qu’il y a un
revers de la médaille. Notamment au niveau familial, c’est
difficile à vivre. C’est beaucoup de week-end sans être à la
maison, des vacances où on n’est pas là, etc. Le PSG, ça ne
s’arrête jamais !