Éducateur au PSG, artisan de l’élite parisienne
Le PSG est devenu, depuis l’arrivée de QSI, un club d’envergure mondiale. Et si les investisseurs qatariens ont massivement investi dans l’équipe première pour mettre le projet sur de bons rails, la formation et la préformation sont devenus une problématique majeure. Le PSG cherche le nouveau Messi et met les moyens pour le trouver. Mais les performances sportives des jeunes pousses parisiennes ne sont pas les seuls critères. Pour mettre les jeunes dans les meilleures conditions possibles, l’aspect psychologique et scolaire relève une importance toute particulière. Et pour cela, l’éducateur semble être la personne idoine.
Mais qu’est-ce qu’un éducateur ? Canal Supporters est donc parti à la découverte de ce métier encore trop confidentiel. Nous avons contacté Damien Thomas, éducateur au centre de préformation du PSG, pour mettre en lumière cette profession. A travers son point de vue de passionné, nous vous présentons ici ce métier tout en évoquant les moyens mis par le Paris Saint-Germain. Nous avons également pu nous questionner sur la mentalité des jeunes footballeurs français, souvent pointés du doigt par les différents acteurs du football étranger.
Jeunes footballeurs, les fleurs de la future génération
L’éducateur mène diverses actions
selon ses connaissances, ses valeurs, son savoir-faire mais
également son savoir-être. Cet ensemble de qualités permet à une
personne d’agir sur elle-même et sur son environnement afin que sa
condition (sportive, sociale, éducative, psychique, matérielle ou
de santé) s’améliore dans un but à court, moyen et long terme.
Damien Thomas nous aide à y voir plus clair : « Je suis
éducateur à la préformation du PSG, je m’occupe donc de
l’extra-sportif chez les U14 et U15 élite. J’accompagne le jeune
tout au long de sa formation pour qu’il atteigne ses objectifs
sportifs et scolaires. Si ces jeunes footballeurs en
herbe sont recrutés pour leurs qualités, on cherche surtout
des jeunes qui en ont dans la tête et dans les jambes. On
recrute aussi en fonction des résultats scolaires afin qu’ils
puissent rebondir après. Éducateur, c’est un vrai métier
d’accompagnement. D’un point de vue collectif, on s’occupe de
la gestion du groupe au quotidien, autant à l’école que
dans la vie quotidienne (tâches ménagères et respect des
règles). Mais il y a également une individualisation au cas par
cas. Il y a des enfants qui ont d’autres projets que le
football. Certains ont des goûts divers, donc on doit trouver pour
eux des solutions afin qu’ils fassent aussi ce qui leur plait,
comme par exemple de la musique ou du dessin. On les aide à
mêler toutes leurs passions. On réalise également un
suivi médical (IRM, radio, etc…). Il y a un énorme travail de notre
part, constamment. » L’aspect extra-sportif apparaît donc
primordial, l’éducateur spécialisé tend à faire de ces jeunes
footballeurs des enfants mis dans de bonnes dispositions sociales :
« C’est un vrai accompagnement. Il faut gérer leur
bien-être quotidien physique et moral. On se doit de les aider à
s’exprimer le mieux possible sur le terrain. Il faut les
voir comme une fleur, il leur faut de l’eau ainsi qu’une
température agréable afin qu’elle éclose le plus rapidement
possible.« Être éducateur spécialisé, c’est
donc un peu être un membre de la famille des joueurs. Un constat
partagé par Damien Thomas : « On a une vraie
relation avec la famille. C’est une vraie relation de
confiance, on remplace les parents la semaine. La famille vient
nous voir pour les conseils individualisés. Nous, tout d’abord, on
vise leur intérêt et leur bien-être. On se doit avoir une
exemplarité au quotidien, montrer ce que doit être un adulte. Notre
mission, c’est de leur donner un cadre et des
repères. »
Le métier d’éducateur spécialisé, même s’il requiert de fortes valeurs morales et humaines, n’est toutefois pas à la portée du premier venu. Il faut pour cela suivre une formation universitaire afin d’accéder à ce métier encore assez inédit dans le domaine sportif : « Le cursus classique est de suivre un parcours universitaire, ce qui permet de nous offrir les capacités et les moyens de pouvoir accompagner tous les enfants, et ce malgré toutes les conditions. Certains peuvent être victimes de problèmes familiaux graves. Il faut savoir que je suis dans une espèce de laboratoire où l’on créé quelque chose de nouveau, qui n’existait pas avant. On essaie d’incorporer notre savoir-faire a la préformation parisienne. »
Comme dit précédemment, le métier d’éducateur spécialisé demande de fortes valeurs morales et humaines. Selon Damien Thomas, la plus grande de ces valeurs, c’est l’humilité. « C’est clairement la plus grosse qualité à avoir. Mais il faut aussi être patient, énormément. Notre métier nous oblige à être très disponible toute la semaine, week-end compris et nuit et jour. Ce n’est pas rare qu’un enfant ou qu’un membre de sa famille nous contacte en pleine nuit, pour que l’on apaise les doutes. Il faut donc être à l’écoute. Créer du lien, c’est vraiment le cœur du métier. Il faut de l’amour, mais pas que. Trouver la bonne distance est également l’une de nos problématiques. »
Être éducateur spécialisé, c’est être un membre de la famille du joueur
Être éducateur spécialisé est donc
un métier de tous les instants. Peu de répit, jamais de
repos. Les horaires ne sont pas limités à la présence aux
divers centres de la formation parisienne. Une fois rentré à la
maison, le travail peut toujours être présent
: « D’un point de vue personnel, je forme un
jeune couple sans enfant, je profite de toutes les vacances
scolaires. J’ai des horaires en décalé aussi. » Mais
l’avantage, c’est une pression qui s’avère être différente. Le
résultat n’est pas quantifiable dans l’instant présent comme le
précise Damien Thomas : « Je n’ai pas de pression
dans mon métier, je n’ai pas le stress des chiffres car les
résultats sont uniquement visibles à long terme. On dispose
de temps pour faire les choses puisque les résultats ne sont
quantifiables que dans quelques années. »
Mais, si l’avantage d’un temps de travail différent peut attirer,
être éducateur spécialisé c’est se donner corps et âme dans
l’avenir d’autrui : « C’est un rythme très soutenu, on
peut rentrer très tard et les journées de douze heures ne
sont pas rares. Quand t’as une famille, ça peut être
compliqué car les journées peuvent être à rallonge sans
que cela ne soit prévu. Il faut prendre en compte qu’il y a peu de
prévisionnel. Et puis, l’aspect humain est très fort, très
présent. Des fois t’as du mal a couper avec le boulot.
Dans ton lit tu cogites car tu traites de l’humain, et chacun est
plus sensible à ces aléas. L’année dernière, j’avais du mal a
prendre du recul. J’avais besoin de partager les difficultés
auxquelles je faisais face, mais ça va mieux maintenant. Ce métier,
c’est un métier de vocation. C’est compliqué
de gérer l’humain car c’est aléatoire en fonction des personnes que
l’on a en face. Tu subis les problèmes vécus par le jeune
enfant. Émotionnellement, il y a une inconstance et une
grande intensité. »
Éducateur au PSG, Damien Thomas voit donc au quotidien les efforts et les moyens mis en place par le club de la capitale. Souvent critiqué au début du projet, les médias estimant que le PSG délaisserait ses jeunes pousses, il en est finalement tout autre. Et si beaucoup ont tenu à le rappeler, Damien Thomas le confirme, lui qui est au cœur du sujet : « Les Qatariens misent énormément sur la préformation. Ils veulent sortir le nouveau Messi, cela leur tient à cœur. Ils mettent en place énormément de moyens pour trouver ce joueur et le faire éclore. Une fois trouvé, il faut le charmer par une institution et une compétence, un projet, mais il faut également charmer la famille. Le PSG est très professionnel, et en terme d’image ça fonctionne. Avant, on jouissait d’une image différente puisque, sur 20 enfants, seulement deux ou trois signaient pro. Donc 17 enfants frustrés étaient renvoyés chez eux et dans leurs précédents clubs. Ils pouvaient donner une mauvaise image du PSG autour d’eux, à cause de la frustration. C’est souvent un discours que l’on retrouve chez 80% des jeunes qui ne sont pas devenus professionnels. Le Qatar veut changer ça. Ils veulent créer un logo, une marque. Quand tu rentres, tu jouiras d’une marque à ta sortie. Quand ils sortent, même s’ils ne rejoignent pas l’effectif professionnel, ils seront fiers d’être passé par PSG. Et ce, qu’importe le métier qu’ils font, car le PSG les aura aidés. C’est le but des Qatariens : changer l’image autour de la préformation. Se soucier de tous, même ceux qui ne signent pas professionnels. On nous donne les moyens humains et financiers pour y arriver. Le PSG n’aura plus d’excuses. Former des joueurs qui sont soient en équipe de France, soit qui représenteront le savoir-faire français dans d’autres domaines. »
Une mentalité française, une mentalité parisienne. Des contraintes soumises à la gestion humaine
Un respect, de l’amour, des choses à apporter à un jeune joueur au sein des différents centres de préformation. Est-ce donc ce qui a manqué dans le dossier Kingsley Coman, brutalement parti à la Juventus en 2014 ? « Il faut créer de l’amour, rendre les jeunes redevables du PSG ainsi que de tout ce qui l’entoure. D’ici 5 ans, ce sera terminé car la famille aura confiance envers le PSG. »
Les jeunes joueurs français sont
souvent, et également intra-muros, catalogués comme étant imbus
d’eux-mêmes, impatients, malpolis et peu professionnels. Des
critiques d’ailleurs souvent entendues de la part des entraîneurs
et joueurs étrangers. Carlo Ancelotti et Grégory Van der Wiel, à
leur époque parisienne, en parlaient déjà. Et quand les médias
mettent en exergue les déboires extra-sportifs des jeunes (Aurier,
Edouard) et les caractères difficiles des autres (Ménez, pour ne
citer que lui), peu relaient l’excellente mentalité de la
majeure partie de ses jeunes. Kylian Mbappé, Youssouf
Sabaly, Raphaël Varane, Vincent Koziello, autant de joueurs
français absolument irréprochables. Y a-t-il donc réellement un
problème de mentalité à la française ? Est-ce culturel ? Damien
Thomas apporte des éléments de réponse
: « C’est un problème surtout au sein des
formations. Les gamins viennent de cités, ils ne sont pas
tous mal élevés. Le problème c’est l’entourage, il faut des
gens compétents à des postes importants. Il faut être
logique, si tu demandes à un jeune d’être exemplaire,
sois le également. Après, c’est vrai et il faut
l’admettre, la région parisienne est différente de celle
de Rouen ou ailleurs. Ce n’est pas la même banlieue, ce n’est
pas pareil. Mais ce n’est pas le seul problème, le problème ce sont
les personnes qui s’occupent d’eux. Prends n’importe quel jeune,
si tu lui donnes de l’amour, de la reconnaissance et que tu
crois en lui, tu obtiendras ce que tu veux de
lui. Autant avec un enfant des cités parisiennes
qu’avec un gamin de Province qui est premier de sa classe.
La mentalité parisienne est ce qu’elle est, c’est la
réalité, mais il faut montrer que l’on ne rentre pas dans
les castes créées par les gens, il ne faut pas donner le bâton
pour se faire battre. Mais même les français, en terme général,
sont comme ça. Au Japon, ce sont des robots réglés, autonomes, et
c’est pareil dans d’autres pays (en Pays-Bas par exemple),
mais quand il faut passer professionnel, il n’y a plus personne.
Les enfants sont des fleurs, il faut leur donner ce qu’il faut à
dose modérée et contrôlée (pas trop d’eau, pas trop de soleil).
A l’avenir, tout va changer. On va rehausser l’image du PSG
et de la France dans le monde du
football.«
La formation à la française, et plus précisément la formation parisienne, semble avoir de beaux jours devant elle. Si la France est le pays qui offre à l’Europe le plus grand nombre de joueurs professionnels, la génération à venir semble dorée. Et si les qualités sportives sont clairement visibles et analysables, les qualités humaines primeront. Et pour cela, le lien principal semble être l’éducateur spécialisé. Plus qu’un façonneur de joueurs, le centre de formation du PSG s’apprête à être un créateur d’hommes. Et la direction parisienne sait désormais qui remercier, à savoir les éducateurs, les coaches de la formation ainsi que les adjoints, car tous tirent dans le même sens.