Plongée au coeur du Pastorisme : décryptage d’un phénomène qui anime le PSG

Il y a ceux qui ont tout de suite accroché, et ceux qui ont mis du temps à cerner le joueur qu’il était. Il y a ceux qui ne l’ont jamais aimé, et ceux qui trouveront encore des raisons de sous-estimer son talent. Et puis il y a ceux qui sont transcendés, emportés ou émerveillés quand Javier Pastore entre sur un terrain.
Ceux-là, appartiennent à une catégorie très spéciale de supporters : les Pastoristes.

Aussi fantasque qu’il puisse paraître, le terme est bien choisi. Car pour être Pastoriste, il faut être un peu fêlé, un peu extrême. Aimer se battre pour défendre un joueur autrefois indéfendable, être prêt à se hisser devant une tribune entière qui le siffle, et passer des heures entières à débattre de son cas comme on débattrait d’une œuvre d’art. Avoir parfois même le sentiment de perdre son temps, à expliquer aux ignorants combien le prix n’a pas d’importance quand l’esthétisme vous bouleverse, combien l’art ne s’achète pas à coups de statistiques ou d’opération de com.

Alors, comment expliquer qu’un joueur comme Pastore, frêle, pas toujours régulier, souvent blessé, galvanise autant son public ? Peut-être justement parce qu’il a toujours été l’un des plus clivants de la capitale. Parce qu’après avoir été malmené, il était important de rétablir l’équilibre avec beaucoup d’amour.

Dès son arrivée au PSG, l’Argentin a porté sur ses maigres épaules le prix trop lourd de 42 millions d’euros. Le prix pour que Paris s’offre sa première étoile. Six ans après, le bilan est mitigé pour certains, somptueux pour d’autres : il suffit de savoir comment admirer une œuvre. De comprendre que Pastore est un joueur en marge des chiffres, mais qui touche à l’instinct. Qui n’est pas plus décisif que beau à voir jouer.

Oui, Pastore commet des erreurs que son jeu exige bien souvent, oui, il aime le beau, l’impossible. Oui, il se fait souvent désirer et choisit peut-être le moment idoine pour soulever les cœurs d’un Parc en émoi. Mais voilà ce qui fait finalement son charme : Pastore est unique en son genre, parce qu’il sait garder 45.000 personnes en suspens avant un geste venu d’ailleurs. Parce qu’il sait caresser les ballons comme on caresse une femme, distiller des passes comme on sert du caviar sur un plateau d’argent. Parce qu’il court en volant, qu’il joue avec le feu et qu’il cache son talent derrière des sourires trop humbles.

Mathieu Faure, journaliste à So Foot et apôtre du Pastorisme, a tenté de nous expliquer tant bien que mal comment on plongeait dans cette relation d’affect  : « J’ai toujours beaucoup joué à Football Manager et déjà dessus, il était très fort, même en deuxième division argentine. C’était mon joueur fétiche, mon chef d’orchestre, et quand il est arrivé en vrai à Paris, c’était fantastique. Pastore, dès son premier match, il a fait un petit pont d’entrée et je me suis dis ok, lui, c’est mon homme. Il mettait des buts, des passes décisives, faisait des exter, il avait tout pour me séduire. Et je suis resté fidèle ! C’est un coup de foudre sportif. Il me déçoit, il me surprend, il me fait vibrer, mais ce mec me fait bander. La perfection c’est chiant, et avec Javier, il ne faut jamais s’habituer à le trouver bon ou pas bon, parce qu’il surprend toujours. Mais je préfère ça à un mec comme Messi qui ne te déçoit jamais. Javier il est fantastique ou nul. Moi le but contre Chelsea, je suis tombé de mon canapé. Contre Nantes, il se fait le genou, j’étais en pleurs. Il peut rentrer trois secondes contre Avranches pour un grand pont, et ça fait mon bonheur. »

Bref, vous l’aurez compris, Pastore déchaîne les passions, et franchement sans le vouloir. Il y a ceux qui aiment les rois du foot mondial et puis il y a ceux qui aiment les anti-héros, les donneurs de frissons, et les petits Princes du Parc. A Paris, face à ceux qui sifflaient, les Pastoristes se sont élevés d’une seule voix comme une communauté, prête à le défendre bec et ongle (parfois dans la mauvaise foi, il faut le dire) dans les moments difficiles, et à faire un bras d’honneur aux critères du foot moderne pour mieux mettre en exergue son génie. De manière irrationnelle, beaucoup ont voulu, avec une fidélité inconditionnelle, répondre au déferlement médiatique qu’il a dû encaisser lors de sa deuxième et troisième saison au club.

« Le Pastorisme… C’est une belle définition de la fidélité. De temps en temps, le bateau prend des sales coups, y’a des tempêtes, mais tu restes droit. C’est de l’amour, et tu demandes rien en échange quand tu aimes. Tu donnes et tu prends ce qui vient. Au final, cette côte d’amour elle vient d’un peu nulle part, c’est le remplaçant le plus aimé du club finalement. C’est aussi grâce aux réseaux sociaux, qui lui donne une vraie caisse de résonance. Ça lui permet de finir une sixième saison sans être titulaire, avec des bouts de match. C’est du gâchis, ou une chance, peu importe. Et puis au fond, ça me ferait chier que tout le monde l’aime, j’aurais l’impression qu’on me le vole un peu. Ce qui m’intéresse c’est qui me plaise à moi. Moi, mon fils a une poupluche Pastore dans son lit depuis sa naissance… », nous a également confié Mathieu Faure, alias @MatFaure, qui sévit à chaque match de l’Argentin, via son compte Twitter.

Mais d’où ça vient, toute cette enflammade ? Si c’est bien sur Football Manager que certains avaient déniché la pépite en puissance, c’est d’abord sur les réseaux sociaux qu’est né le Pastorisme. Sorte d’église vouée à son Dieu argentin, le Pastorisme est peu à peu devenu un mouvement presque inavoué d’amoureux du football romantique, rassemblement digitale de cœurs qui chavirent au gré des titularisations du n°10 parisien.

*Thomas Nachim, journaliste dans l’affiche de la semaine (TF1) et co-créateur du Pastorisme sur Twitter

Mais après le virtuel, est venu le vrai, le palpable. Ce moment où le Parc des Princes a cessé de siffler son virtuose de 27 ans, comme pour l’encourager à relever la tête. Avant de l’encenser au gré de ses envolées, avec toujours la conscience qu’il fallait savourer l’instant présent parce qu’avec Pastore, rien n’est jamais gagné d’avance. Ni ses performances, ni son mental, ni son physique.

Alors après Twitter et les stades, logique que nous nous intéressions de plus près aux vrais Pastoristes, ceux qui fleurissent dans les entraves de la capitale. Nous leur avons donné rendez-vous dans un café, Le Perroquet, et ils ont répondu présent, maillots sur les épaules, et les poumons chargés de jolis mots pour leur Flaco. Le temps d’une soirée hors du temps, nous avons échangé sur notre vision de cet amour inconsidéré envers un artiste qui s’ignore. Des adjectifs il y en a eu, à la pelle, et nous avons même tenté de demander aux Pastoristes lequel définirait le mieux l’Argentin pour eux… Les réponses : « élégance », « el magniflaco », « esthétisme »,  « Paris », « intemporel », « génie », « fellation », « aérien », « subtil », « artiste », « beauté », « unique », « perle », ‘incompris », « magicien », ou « romantique ».

Ambiance un peu sectaire, mouvement incompris : les Pastoristes sont loin de se préoccuper de ce que l’on pense d’eux. Comme si finalement, aimer Pastore était le plus masochiste des choix (il faut aimer débattre pour le défendre, avouons-le, et il ne nous aide pas toujours) et qu’après cela, on était armé. C’est d’ailleurs dans cette ambiance un peu ecclésiale, entre le second degré et le sérieux, que certains nous ont confié leur vision à eux, de ce Pastorisme si singulier.

Bref, vous l’aurez compris, être Pastoriste, c’est être un peu fêlé. Mais il en pense quoi, notre Picasso francilien ? Son agent, Marcelo Simonian, a tenté d’expliquer à Canal Supporters pourquoi l’Argentin suscitait tant d’émotion.

« Javier, tout ce qu’il fait, il le fait pour le bien de l’équipe… À sa manière, c’est un artiste, un poète ! Quand il touche un ballon tous ceux qui aiment un bon football le savent, quelque chose de grand va se passer… Il est tellement généreux. Peut-être que cette qualité est perçue par certains comme une faiblesse, mais en fin de compte, c’est cette générosité et cette beauté que transmet son jeu et c’est sa capacité à comprendre des situations de jeu et à exploiter les faiblesses de ses rivaux que tout le monde apprécie au final… Vous savez, il y a plusieurs années, je suis allé voir un match entre Chelsea et Manchester United. Un match sans erreurs, parfait. Aucune passe ratée, personne ne manquait un ballon. Pour beaucoup, ce match a été une grande démonstration de technique et de tactique ! Pas un seul dribble. Le match parfait ! Ça s’est terminé sur ça, et ça a été un miracle que je ne m’endorme pas… Et bien vous savez quoi, avec Pastore, ce ne serait jamais arrivé. Oui c’est vrai, Pastore prend des risques et fait parfois même des erreurs! Mais c’est parce qu’il prend ces risques et qu’il fait ces fautes qu’il peut aussi surprendre. C’est ça, sa compréhension du jeu, et c’est grâce à Dieu ! », nous a-t-il confié.

Et voilà, un Pastoriste de plus !

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