Son bilan, sa tactique, les médias, la Ligue des Champions, Thiago Silva, Neymar, Mbappé et son avenir… L’entretien passionnant d’Unai Emery

Unai Emery a annoncé son départ du Paris Saint-Germain il y a quelques jours de cela. Depuis, le technicien espagnol multiplie les entretiens pour évoquer son bilan chez les rouge et bleu. Au micro de SFR Sport pour l’émission Transversales, il revient sur ses deux ans à la tête du PSG sans détour.

Son bilan : 

Son arrivée :
Quand j’ai rencontré Nasser Al-Khelaifi, la première question que je lui ai posé a été: « Pourquoi veux-tu que je signe au PSG ? » Sa réponse m’a surpris et m’a dit, « Unai tu as remporté trois titres de la deuxième compétition européenne, avec une équipe inférieure mais avec la possibilité de gagner et nous pensons que tu as le gêne de la gagne. J’ai commencé en bas dans ma carrière,  J’ai été footballeur amateur et grandit avec l’amour du football. Entrainer n’est même pas un métier à mes yeux grâce à cet amour que j’ai pour ce sport.

Les objectifs du club :
Ici l’idée est de tout remporter avec l’idée, l’envie ou l’objectif de gagner la Ligue des Champions. Mais ça ne doit pas être la première priorité. L’objectif prioritaire doit d’être la première équipe de France et j’en ai parlé avec le président. La Ligue des Champions est une compétition qu’il faut appréhender, tu dois avoir de l’expérience, se préparer de mieux en mieux que ça arrive une année. Mais c’est difficile de réussir dans l’immédiat ou dans l’exigence de l’urgence, il faut être patient et constant.

Ses débuts :
Concernant le jeu, Nasser était content de l’énergie transmise à l’équipe. Dans toutes les équipes il faut s’adapter, mais je pense que l’équipe a réussi la transition de passer à une équipe de contrôle à une équipe plus verticale et plus agressive vers l’avant. Mais ça a été un processus. Les six premiers mois de l’année dernière ont été les plus difficiles, il n’y avait pas de synergie entre l’entraineur et les joueurs. Le président a renouvelé sa confiance en décembre et on a bien terminé les six derniers mois de la saison. 

Son image :

 Le PSG représente Paris et la France. Le français est plus tranquille, équilibré et digne. Et rompre avec ça n’est pas facile parce que le français n’aime pas ça. J’étais dans la continuité de ce que je faisais à Séville mais je me suis adapté à l’équipe. Parce que l’équipe ne s’est pas adaptée à mon niveau d’agressivité dans le message ni à l’intensité que je voulais mettre. J’ai dû changer.  50% de l’équipe fonctionnait avec le message d’agressivité et l’autre moitié voulait un discours plus posé.

Pourquoi ?
Parce que c’était une équipe habituée à ça. J’ai commencé à être très agressif puis j’ai fait marche arrière pour m’adapter et à  nouveau j’ai changé pour que l’équipe soit capable de répondre à mes messages. L’équipe est aujourd’hui plus agressive que ce qu’elle était à mon arrivée. Ce que je veux c’est l’alternance, mais au début l’équipe ne répondait pas à cette alternance. J’ai initié un processus difficile mais reconnu et qui sera bénéfique pour le futur. 

Sa tactique : 

Changer le 4-3-3 ?
On parlait de changer quelque chose de très bon. Tu es entrain de parler de Motta, Verratti, Rabiot, Matuidi… Ce que je voulais c’était améliorer les détails de cette équipe et j’en avais parlé avec le président quand j’avais signé. On a travaillé ces détails et je pense qu’ils sont visibles. Pas seulement dans l’intensité ou le jeu mais comme dans les stratégies, les coups des pieds arrêtés etc…

Un jeu plus lent ?
Sur ces deux saisons je ne me réfère pas uniquement au jeu mais comment l’équipe s’est transformé. On a donné comme priorité l’an dernier de nous renforcer offensivement. Avec le départ d’Ibra, le repositionnement  dans l’axe de Cavani transforme l’équipe. Et on a réussi à faire progresser Cavani. Comme avec Neymar, tu ne joues pas de la même façon avec ou sans lui.

Le cas Pastore ?
On ne pouvait pas mettre en place le 4231 avec Pastore parce qu’il a été blessé la moitié de la saison. Dans cette configuration là, j’ai toujours eu confiance en Pastore. Quand tu as au milieu de terrain des joueurs comme Motta, Verratti, Rabiot ou Matuidi, tu as des joueurs excellents !

La Ligue des Champions :

L’élimination face au Barça :
Je pense vraiment que l’on aurait pu le faire en Ligue des Champions ! Je l’assume, le tirage au sort a été ainsi. Tu joues le Barça, gagne 4-0 et les circonstances te font sortir là-bas. Mais ce match tu le rejoues 10 fois et tu ne sors pas ! Les circonstances étaient anormales ! Même si nous avons fait des erreurs là-bas, nous avons fait beaucoup de bonnes choses et un pénalty aurait dû être sifflé à 3-1 à la 75e minute. Ça aurait fait 3-2 après un 4-0. Tout le monde aurait dit à quel point le PSG est une merveille. Le 4-0 face au Barça a été un de nos meilleurs matchs, mais je ne veux pas me rappeler du seul côté négatif de ce match. C’est une décision arbitrale qui nous élimine. 

La préparation du 4-0 :
Contre le Barça nous voulions jouer le premier rôle et montrer notre supériorité. On voulait presser le porteur du ballon face à une équipe qui avance avec le ballon. C’était spectaculaire d’agressivité. On a préparé ce match pour les agresser durant toute la rencontre. Mais s’ils arrivaient à supporter la pression, ils vont trouver des espaces et nous faire mal. Mais on arrivait à nous replier rapidement et les attaquer rapidement. On a mis en place des duels ! 11 contre 11, 1 contre 1, pour les étouffer et les attaquer très rapidement dans les espaces. Un des entraineurs que j’admire le plus, et est très critiqué en France, c’est Bielsa. 
Bielsa m’a dit que le meilleur football qu’il avait vu après le Barça de Guardiola, c’était le PSG lors de la victoire face au Barça. 

La Remontada : 
C’est de l’apprentissage pour l’avenir. Le plan de jeu était clair, faire la même chose que lors du match aller, mais là-bas on n’a pas pu le faire. Le Barça t’oblige à reculer et on a pas pu trouver les espaces dans leurs dos. Sur le pénalty qu’il y aurait dû avoir sur Di Maria, c’était ce genre de phase jeu qui avait été travaillé.

Le diner d’entre deux tours :
À la fin du match aller, je disais aux joueurs que je connaissais le Barça, que ça n’allait pas être simple le retour. Cerains m’ont rétorqué : « coach tranquille, on vient de faire un match exceptionnel, il faut nous laisser tranquille ». Le président me le répète encore aujourd’hui, « Tu m’as dit quand je suis venu dans le vestiaire pour féliciter que ce serait difficile là-bas. » 

La remontada, vraiment un apprentissage ?
On parle toujours de la même chose, moi je fais une analyse qui demande de la patience et du travail. Ce qu’il s’est passé à Barcelone c’est parce que c’était le FC Barcelone et l’arbitrage. À Madrid c’est parce que l’on a rencontré le Real Madrid. Peu importe les changements de Zidane, c’est le Real Madrid. Si on marque le 2-1 ou l’arbitre ne siffle pas pénalty ou encore signale le hors-jeu c’est une autre histoire. Et je ne me défends pas, c’est un processus ! Dans le football il y a une part de réussite, ce n’est pas « on a perdu pour ça, ou ça… » c’est un contexte général ! Un jour ce sera en faveur du PSG ! Comme l’arbitrage du côté du Barça ou de l’expérience pour Madrid. 

Les choix tactiques avant le match aller face au Real Madrid : 
À 10h30 du matin, je discute avec Thiago Silva et je lui dit qu’il ne jouera pas ce match. Les trois centraux font une bonne saison, mais il était important de jouer avec un gaucher pour avoir le ballon. Je considérais que c’était important. C’est pour cela que j’avais choisi Kimpembe, pour mieux relancer côté gauche. Il a été déçu mais je pense qu’il a respecté ma décision. Concernant Lo Celso, il était le meilleur pour jouer à ce poste à ce moment-là. Il était me mieux préparé. 

Le match retour :
J’ai vu de suite le Real Madrid bien en place, nous n’avions pas Neymar pour faire les différences d’une autre manière. J’ai fait rentrer Pastore à 0-1, la qualification était encore possible et je voulais qu’il change le cours du match. 

 

Les arrivées de Neymar et Mbappé :

Ce sont deux joueurs importants. Le PSG est devenu encore plus grand grâce à eux. C’est un club qui avec Neymar gagne en image. En tant que français, vous devez être fiers d’avoir Mbappé au PSG ! Quand j’ai rencontré son père, le joueur voulait aller au Barça ou au Real Madrid. Et c’est le club et moi-même qui lui avons dit de rester en France. Les joueurs comme lui avant partaient de France, les français doivent accueillir Mbappé les bras ouverts. Avec Neymar c’est pareil. C’est une immense star médiatique et du football.

Difficile à gérer les égos ?
Non, il faut connaitre Neymar. Je ne peux pas agir avec Neymar comme avec n’importe qui d’autre. Il faut faire en sorte que ça n’interfère pas son football. Si Neymar doit gérer des sorties publicitaires après l’entrainement, ce n’est pas l’idéal. Il doit s’adapter à la ville de Paris, j’ai fait 50% du travail avec Neymar, il reste l’autre 50%. Il doit être heureux à Paris et s’adapter à son entourage. Il n’est pas encore installé à 100% à Paris. La Ligue 1, l’environnement etc… Il a trouvé un PSG qui l’a intégré où il se sent bien dans le jeu. C’est dommage de ne pas l’avoir eu face au Real Madrid, cela fait partie de mes grands regrets. Il faut être patient avec Neymar. Il faut aussi que ses coéquipiers s’adaptent à lui. Lorsque j’ai expliqué la première fois qu’il fallait compenser le travail défensif que Neymar ne faisait pas, les joueurs doivent l’accepter. 

Le niveau de jeu de Neymar :
Parfois il a fait des matches incroyables, mais lorsqu’il était moins bons, c’est qu’il a été trop personnel. J’ai eu des conversations avec lui, des séances vidéo avec lui mais c’est un processus. Une personne comme Neymar a un grand coeur, c’est très important. C’est une immense star, qui est épié quoiqu’il fasse mais c’est aussi une personne humble. C’est facile de parler avec lui.

Le PSG qui stagne malgré les changements de coachs :

D’accord avec les propos de Thiago Silva ?
Avec Silva on a eu beaucoup de discussions car c’était le capitaine. L’an dernier j’en attendais plus de lui. Je lui ai demandé de changer des choses. Parce que s’il ne changeait pas, il devait nous quitter. J’étais plus exigeant, je voulais qu’il change des aspects de son jeu. Je suis content de l’évolution du jeu de Thiago Silva durant ces deux ans. Il est devenu meilleur et a été plus exigeant avec lui-même. J’aime l’affrontement mais avec de vrais arguments.

Le traitement médiatique en France : 

Je me suis senti très bien traité en France par le club. Tout le monde me remercie aujourd’hui au sein du club. J’ai dit à mon staff : « On part, mais les gens peuvent dire que nous sommes honnêtes, travailleur et de bonnes personnes. » Les médias, je ne peux pas contrôler ce qu’ils disent… Ce que je ne supporte pas ce sont les mensonges et beaucoup de médias racontent beaucoup de mensonges ! Mais je reste en-dehors de ça, même si j’entends ce qu’ils disent et écrivent pour nous diviser. Je ne sais pas pourquoi ils font ça mais je ne les respecte pas ! (…) Si je dis au revoir à Nasser ou Antero avec une accolade, ça me va. Si je vais au Camp des Loges et que ceux avec qui j’ai travaillé me disent au revoir avec une accolade je suis heureux.

Son avenir :

Ici j’ai joué pour remporter 10 titres. Lorsque j’étais en Espagne, je voyais le Real Madrid et le FC Barcelone remporter tous les trophées. Je cherche toujours à progresser. Mon passage au PSG m’aura fait grandir. Je suis très content de ces deux ans. On a fait selon moi 70% de choses positives.

Ses meilleurs souvenirs :
La victoire 4-1 contre l’OL, le 7-1 contre Monaco, les finales de Coupe de la Ligue, la progression des joueurs… Que Marquinhos me dise qu’il s’est amélioré, que Mbappé soit resté en Ligue 1, que des joueurs comme Verratti, Rabiot, Kimpembe aient progressé. Que Thiago Silva se soit amélioré comme Aréola.

S’il voulait rester ?
Non… Moi ce que j’aime c’est entrainer. Je suis un entraineur avec les pieds sur Terre. Il y a trois façons de partir : Soit de se faire virer, soit partir de soi-même, soit partir sur une accolade et se dire que la meilleure chose est de s’arrêter ici. J’ai choisi la dernière option, et je suis très heureux.

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