Les failles mentales, le fléau récurrent pour les équipes de Laurent Blanc

Depuis quelques semaines, les conférences de presse de Laurent Blanc se résument à insister sur le problème mental des joueurs du Paris Saint-Germain. Celle du 12 janvier n’échappe pas à la règle : « Quand c’est mental, ce n’est pas si facile. Quand c’est technique ou tactique, l’entraîneur et les joueurs peuvent y remédier. Quand ça touche le domaine du mental, c’est plus compliqué. Parfois ça met du temps à réagir. C’est comme si quelqu’un avait débranché la prise, et qu’il n’y avait plus de lumière… ». Ce phénomène est tout sauf inédit pour une équipe managée par le champion du monde… Analyse.

En 2007, la première expérience en tant qu’entraîneur pour Laurent Blanc trouve sa source à Bordeaux. Cadre paisible pour un premier poste, les bons résultats sont présents. En championnat, les Girondins terminent à une belle deuxième place qualificative pour la Ligue des Champions, un quart de finale en Coupe de France et un 16ème de finale en Europa League. Le temps de façonner son équipe, la deuxième saison doit être celle de la confirmation. Vainqueur du trophée des Champions, de la Ligue 1, de la Coupe de la Ligue, les bordelais font mieux qu’espéré en début de saison. Laurent Blanc commence à construire son mythe sur les bords de la Garonne, largement soutenu par son président Jean-Louis Triaud qui attendait un titre de champion de France depuis 1999.

L’aventure se poursuit une saison de plus à Bordeaux. La première partie découle d’une impressionnante réussite sur la scène européenne avec deux victoires en phase de poule face au Bayern Munich puis quatre points pris face à la Juventus pour s’offrir un ticket pour les huitièmes de finale de la Champions League. A la fin du mois de janvier, les « Marine et Blanc » foncent vers un second titre de champion consécutif avec six points d’avance sur le dauphin Montpellier, huit sur Lille, neuf sur le trio Marseille-Lyon-Monaco, et sont toujours présents dans les quatre compétitions. C’est à ce moment que tout se dérègle. L’équipe de Laurent Blanc n’arrive plus à créer une série de victoire qui faisait la force du club depuis son arrivée.

La finale de la Coupe de la Ligue du 27 mars 2010 perdue face à Marseille entraîne brutalement Bordeaux dans une spirale négative. Trois jours plus tard,  Lyon ne fait qu’une bouchée des Girondins lors du quart de finale aller de la Ligue des Champions (3-1). Le mois d’avril devient catastrophique pour Bordeaux qui ne remporte qu’une rencontre, le quart de finale retour face à Lyon (1-0), mais anecdotique car l’équipe est éliminée, tout en s’inclinant à cinq reprises sur les sept rencontres disputées. Les discours de Laurent Blanc deviennent alors intéressants car il décèle un problème d’ordre… mental sans pouvoir expliquer ni résoudre le problème.

« Après une excellente première partie de saison, on fait une seconde partie de saison, très, très moyenne, pour ne pas dire plus. Pour la situation difficile que nous sommes en train de vivre, je n’ai pas d’explication rationnelle à donnerJe ne fuis pas mes responsabilités, mais elles sont partagées. Les joueurs en ont, le staff technique aussi. (…) Je pense que notre problème est psychologique, mental. Il n’y a aucun problème relationnel entre les joueurs, entre le staff et l’équipe, les résultats ne reflètent pas l’ambiance du vestiaire. Mais quand les résultats ne suivent plus, forcément, ça crée des tensions. On a un besoin vital de victoire. On fait tout pour, il faut essayer de remettre les têtes à l’endroit » évoque l’entraîneur le 16 avril 2010. Un discours qui ressemble à un copier/coller en comparaison avec ses élocutions prononcées ces dernières semaines au Paris Saint-Germain.

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Fin avril, c’est Jean-Louis Triaud qui évoque la situation noire de son club après une nouvelle défaite sur la pelouse de Valenciennes (2-0) : « On était en pleine déprime, là nous sommes en pleine dépression. Tout le monde essaie de motiver les joueurs, de les mettre en confiance. Et je vois que cela ne donne rien. Il faut être réaliste, cela ne marche pas. C’est la première fois que je connais ça… » semble-t-il, impuissant. Même son de cloche après le match pour le manager bordelais : « On n’a plus les forces techniques, mentales et physiques pour mettre en danger l’adversaire. On a de bonnes intentions en début de match mais dès que le match commence, on est poussif. Dès que l’adversaire marque, il est difficile pour nous de revenir. On a été presque dans l’incapacité de marquer. Même si on ne veut pas l’admettre, depuis l’élimination en Ligue des Champions, la pile est vide… ».

« Dans ces périodes-là, le problème est souvent plus dans la tête que dans les jambes. Depuis un an, je réfléchis à introduire un préparateur mental dans le staff médical, afin d’effectuer un travail beaucoup plus individuel que collectif. C’est une aide, comme dans d’autres sports, mais pas une obligation pour eux » consent Laurent Blanc quelques jours plus tard dans les colonnes de L’Equipe. Visiblement trop tard alors qu’il ne reste qu’un mois de compétition.

Le mois de mai, tout bonnement anecdotique après le mal subi, n’offrira même pas une place qualificative en Europa League pour Bordeaux qui terminera à la 6ème position en Ligue 1. Quel a pu être le grain de sable qui a fait enrayer la machine à ce point-là ? Avant la finale de la Coupe de la Ligue, les premières rumeurs d’un départ de Laurent Blanc à la tête de l’équipe de France sont évoquées, sans que l’intéressé ne commente positivement ou négativement l’information. Cette indécision joue forcément dans les têtes de l’effectif des Girondins. C’est la principale raison évoquée pour expliquer ce fiasco.

D’autre part, les médias rapportent une cassure entre le vestiaire et le staff technique. « Il y a une cassure complète. Depuis longtemps on dit que la mauvaise gestion du cas Blanc a tout foutu en l’air, je pense que c’est vrai. Je pense qu’à la longue les joueurs commencent à en tenir rigueur à Blanc concernant son attitude, de ne pas s’être prononcé, en gros de les avoir abandonnés en chemin » évoque Daniel Riolo dans l’After Foot à la fin du mois d’avril 2010. Même pensée pour certains autres spécialistes qui évoquent un problème dans le vestiaire depuis l’élimination en Ligue des Champions. Laurent Blanc et le staff technique des Girondins n’ont pas été capables de redresser un groupe abattu par les défaites successives. Le mental vulnérable de certains joueurs qui se ménageaient inconsciemment pour la Coupe du Monde ou se préparaient à quitter le club en fin de saison se sont ajoutés à cette fin de saison catastrophique. A la fin de l’exercice, Laurent Blanc quitte le navire suivi de près par Marouane Chamakh (Arsenal) et Yohan Gourcuff (Lyon), deux hommes-clés.

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Une nouvelle page s’ouvre pour Laurent Blanc qui se retrouve à la tête de l’équipe de France après le fiasco de la Coupe du Monde. Après des débuts délicats, dont une défaite au Stade de France face à la Biélorussie (0-1), le nouveau sélectionneur évoque début octobre dans les colonnes du JDD le souhait d’engager… un préparateur mental. « Nous sommes les premiers préparateurs mentaux. Ce n’est pas le cœur de notre métier, mais ça le devient de plus en plus. Je cherche d’ailleurs un préparateur mental pour l’équipe de France. Je n’ai pas encore choisi mais ça m’occupe beaucoup ». Pour le rassemblement qui suit, un profileur est déniché pour parler individuellement avec les Bleus sélectionnés.

Pour Jean-Cyrille Lecoq, psychologue du sport, la venue d’un préparateur mental fonctionne quand les entraîneurs ne sont pas si proches des joueurs : « Dans certaines équipes, le préparateur mental n’est pas nécessaire. Guy Roux à Auxerre a toujours été très proche de ses joueurs. Il les aidait mentalement. Mais pour l’équipe de France, c’est indispensable. Les Bleus doivent retrouver des valeurs collectives, c’est primordial. Laurent Blanc a raison de suivre cette démarche. C’est aussi une rupture avec le style Domenech et la formation à la française. En s’attachant les services d’un profileur, Laurent Blanc va éviter de refaire les mêmes erreurs que son prédécesseur » relaye-t-il sur le site d’Europe 1 proclamant que cette démarche sera utile pour la France.

Une méthode qui porte visiblement ses fruits. Les Bleus enchaînent 23 matches consécutifs sans la moindre défaite, Laurent Blanc reçoit des louanges de toutes parts. L’équipe de France se qualifie pour l’Euro et se présente en Pologne et en Ukraine avec un statut d’outsider devenu invincible. En 2012, les Bleus s’imposent en Allemagne lors du rassemblement de février ce qui donne des grands motifs d’espoir, au même titre que les trois victoires pré-Euro face à l’Islande (3-2), la Serbie (2-0) et l’Estonie (3-2).

Au championnat d’Europe, un match nul contre l’Angleterre (1-1) puis une victoire contre l’Ukraine (2-0) qualifient la France pour les huitièmes de finale. La troisième rencontre est anecdotique mais va faire plus de mal que prévu aux tricolores. La Suède vient battre une équipe qui n’avait plus perdu depuis près de deux ans (2-0). Signe du destin, Zlatan Ibrahimovic est le premier bourreau d’Hugo Lloris avant que Larsson conclut la mise. Quelques jours plus tard, l’équipe de France ne s’est toujours pas remise de cette défaite et sera éliminée par l’Espagne (2-0) en quart de finale de l’Euro 2012. Une défaite « sans véritablement combattre » d’une équipe de France « sans âme », tacle Le Parisien.

Même si le sélectionneur ne l’évoque pas publiquement, le relâchement de ses joueurs après une telle série d’invincibilité est avant tout psychologique alors que l’équipe se retrouvait galvanisée par la recherche de victoire à chaque match. Quand tout s’est subitement arrêté contre la Suède, inconsciemment, la difficulté était de remonter la pente pour recréer une série aussi longue que celle effectuée. Avec du recul, et surtout face à un adversaire comme l’Espagne, la nouvelle défaite était pratiquement obligatoire. Laurent Blanc et le staff technique n’ont pas su remettre dans le droit chemin cette équipe jeune à l’esprit friable. Ces deux défaites résument la fragilité de l’équipe quand elle n’est plus maître de son destin, quand elle devient plus fragile, quand elle n’a pas su conserver une série d’invincibilité qui lui tenait à coeur. A la fin de son contrat en juin 2012, Laurent Blanc ne continue pas l’aventure de sélectionneur et laisse sa place à Didier Deschamps.

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Aujourd’hui au Paris Saint-Germain, Laurent Blanc a failli connaître la même sortie de route l’année dernière. Courant avril, à la suite de l’élimination à Chelsea en quart de finale de la Ligue des Champions, l’équipe du PSG se fait surprendre à Gerland (1-0). Après la rencontre, l’entraîneur parisien a évoqué un problème dans les têtes : « On n’a pas encore digéré l’élimination face à Chelsea. Il y avait pourtant la place de l’emporter ce soir, notamment en seconde période. On a eu du mal dans la finition. L’équipe n’est pas émoussée physiquement, le problème ce soir était surtout dans les têtes ». Une fois de plus, le manager du PSG avoue qu’il n’a pas su relever la tête de son équipe pour rebondir après un échec. Néanmoins, ce mal sera estompé le week-end suivant avec la victoire face à Lyon en finale de Coupe de la Ligue avant de réaliser une fin de saison plus que convenable.

Cette année, bis repetita. Alors dernière équipe européenne invaincue depuis le début de saison, Paris se déplace à Barcelone début décembre en Ligue des Champions. Malgré une bonne première heure de jeu, les « Rouge et Bleu » s’inclinent finalement au Camp Nou (3-1). Est-ce que Laurent Blanc a-t-il enfin réussi à remobiliser ses troupes pour remporter le match suivant ? La réponse est négative, Paris chute à Guingamp (1-0), 16ème du classement. La suite est poussive jusqu’à cette nouvelle défaite à Bastia (4-2), le 10 janvier, après avoir mené 2-0.

Dans sa communication, Laurent Blanc assume le même style calqué sur sa période bordelaise. A défaut d’instaurer l’alerte rouge, le coach du PSG continue de faire face aux médias en évoquant « des problèmes mentaux plutôt que tactiques » et qui sont « plus difficiles à résoudre ». L’histoire semble se répéter une troisième fois pour ce manager qui a échoué à la fin de ses deux précédentes aventures. Même si la formule « jamais deux sans trois » est plus que jamais d’actualité, l’entraîneur parisien peut montrer à tous ses détracteurs qu’il a enfin trouvé une parade en créant un électrochoc positif envers ses troupes. L’objectif est d’éviter un marasme ambiant jusqu’à la fin de saison, si le « Président » est maintenu jusque-là. Utopiste pour certains, réaliste pour d’autres. Après tout, Laurent Blanc sait ce qu’il lui reste à faire : Vaincre les problèmes… mentaux.

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