Interdiction de déplacement pour OM / PSG : les associations de supporters prennent la parole

Ils font désormais partie intégrante du paysage footballistique français, ils fleurissent dans tout l’Hexagone, anéantissent les espoirs de beaucoup d’associations et mettent à mal la fonction même du supporter : les arrêtés préfectoraux.

Balancés par des préfectures visiblement « dépassées » par la gestion des supporters ou la supposée violence qu’ils pourraient incarner, ces arrêtés visent à interdire les déplacements des publics venus voir leurs équipes de cœur évoluer sur un terrain. Officiellement, les pouvoirs publics ont surtout peur « du risque de troubles à l’ordre public.» Véritable danger ou gros manque de compréhension ? La question se pose, à l’heure où les associations de supporters sont brimées et catégorisées comme des « civils à risque » et dans un contexte où ils ne souhaitent à priori que chanter de bon cœur.

Alors pour ce fameux « Classico », entre les deux grands rivaux du championnat de France, tous les espoirs étaient permis puisque le Paris Saint-Germain avait décidé de permettre à son public de se déplacer – de manière encadrée – dans le bouillant Vélodrome. Sur la billetterie, les membres du « Collectif Ultras Paris » ainsi que les simples abonnés, se sont rués sur les « packs déplacement », incluant le déplacement en car officiel et le billet pour la rencontre. Toutes les mesures étaient donc prises, à priori, pour que le déplacement soit géré et que les 500 supporters ayant pu obtenir leur sésame soient contrôlés.

Cela n’a pas suffi puisque mardi, le préfet des Bouches-du-Rhône, Laurent Nuñez, « a vendu la mèche » : les Parisiens ne seront pas les bienvenus dans la ville et dans le stade. En se justifiant d’abord par un « manque d’effectif, car le contexte ne permet pas de mobiliser les forces de sécurité en nombre suffisant» pour gérer ce déplacement, l’arrêté précise que « le risque d’attentat est élevé », et surtout que « les déplacements du PSG sont fréquemment source de troubles à l’ordre public». Bref, les causes sont nombreuses, mais le résultat est le même pour les Parisiens, et pour la 8e fois cette saison (déjà plus de 50 interdictions ou restrictions comptabilisées pour l’ensemble des clubs).

Pierre Revillon, président de l’Association Nationale des Supporters, tire la sonnette d’alarme auprès de Canal Supporters : « Ils essayent de trouver une excuse pour empêcher les supporters de faire des déplacements. Un jour c’est à cause des risques d’attentat, puis des manifestations, puis des banlieues, puis des meetings politiques… En fait, on a compris que les arrêtés étaient décidés par quelques personnes, et qu’ils se cherchent ensuite des excuses et un argumentaire pour justifier des décisions infondées… Mais comment un pays comme la France peut ne pas savoir encadrer 500 personnes ? Alors que les pays voisins sont capables de le faire. Ce n’est clairement pas un manque de moyens mais d’envie.»

« Ils ne se rendent pas compte que les associations sont gérées par des bénévoles, qui posent des jours de congés, qui donne de leur temps, de leur argent, organisent toute une logistique. Ils généralisent et pour eux, tous les supporters sont des personnes violentes qui vont engendrer des incidents. Ils sont considérés comme des sous-citoyens, à qui on enlève des libertés de circuler, d’aller et venir… Alors que ça fait partie du folklore du football, les supporters restent des acteurs du foot à part entière », ajoute Pierre Revillon.

« C’est simple, à la base, la préfecture avait déjà imposé de grosses restrictions, en autorisant seulement 500 supporters à se déplacer, dont 150 membres du CUP. Ça veut dire qu’ils définissent d’abord un cadre, ils réfléchissent à la question et à quelques jours du déplacement ils disent que finalement non, ils n’ont pas les moyens. Pourtant le déplacement était bien encadré, il n’y avait donc aucune crainte de trouble à l’ordre public. Et puis il faut savoir que les moyens de police déployés pour faire respecter les interdictions sont finalement plus importants que s’ils encadraient les supporters. En Angleterre, ils ont des mesures très strictes et la police arrive bien à encadrer plusieurs milliers de supporters. Ce n’est pas une question de moyens » nous a également assuré James, porte-parole de l’ADAJIS, l’association de défense et d’assistance juridique des supporters, qui espère encore entamer des discussions pour l’avenir : « Jusque-là, on a toujours demandé à se réunir autour d’une table avec le PSG et la préfecture pour discuter et anticiper ce genre de déplacement. Elle a toujours refusé de le faire, mais on va leur écrire à nouveau. On est prêts à discuter avec eux sereinement.»

Ce vendredi matin, L’Equipe tente d’expliquer cet arrêté par une autre motivation : la revanche. Parce que le PSG aurait rouvert le dialogue avec ses Ultras et admis au Parc des Princes quelques leaders indésirables aux yeux de la préfecture de Police parisienne (en respectant la loi puisqu’ils n’étaient pas du tout interdits de stade, rappelons-le), les pouvoirs publics auraient tout simplement décidé de leur « répondre » avec cet arrêté. Cette fois, la petite vengeance d’un Ministère expliquerait l’inexplicable. Pierre Barthelemy, avocat renommé des supporters, s’est d’ailleurs indigné sur son compte Twitter : « Il a bon dos, le terrorisme. Il a bon dos, l’état d’urgence. Il sert à tout et n’importe quoi. (…) Ils étaient bien contents quand le PSG interdisaient illégalement aux supporters de venir. Maintenant que le PSG respecte la loi, un Ministre et un Préfet punissent le PSG de la respecter ? Combien d’incidents depuis le retour des supporters ? Aucun. »

Au sein du Collectif Ultras Paris, directement pointé du doigt, la pilule a également du mal à passer. D’autant plus que l’association de supporters redoublaient d’effort pour être dans un dialogue constructif avec le club francilien et les autorités publiques, depuis leur retour sur le devant de la scène il y a quelques mois. Au sein du bureau, on confie que « c’est encore plus incompréhensible quand deux jours avant, 1500 Anglais se déplaçaient encore du côté de Saint-Etienne, et qu’il y aura 2000 Parisiens à Barcelone en mars.»

Alors, faute de pouvoir suivre leur équipe et vibrer pleinement aux côtés de leurs joueurs, les membres du CUP ont décidé de ne pas se laisser abattre, et de faire leur maximum pour montrer, malgré tout, leur bonne volonté. Ce vendredi matin, ils étaient d’ailleurs invités par le PSG au Camp des Loges pour supporter les joueurs lors de l’entraînement et leur apprendre les chants qu’ils ne pourront pas fredonner dans l’enceinte du Velodrome.

Dommage, finalement, que cette belle affiche du football français ne soit entachée par de nouvelles mesures liberticides. Parce qu’avec de si beaux publics et une telle envie de vibrer, elle aurait finalement mérité beaucoup mieux que ça. D’ailleurs, Rudi Garcia, de lui-même, a abordé le sujet en conférence de presse. « A l’aller, j’étais triste qu’au Parc des Princes il n’y ait pas eu de supporters de l’OM, de la même manière, je suis triste qu’aucun supporter du PSG ne puisse être au Vélodrome, ce n’est pas ça le football. J’espère que comme dans d’autres pays, on pourra tranquillement se rendre au stade un jour ».

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