Focus #17 Jay-Jay Okocha, l’aigle qui a déployé ses ailes au PSG
Régulièrement, Canal Supporters vous propose de revenir sur la carrière d’un joueur passé par le PSG. Pour ce 17ème numéro, nous avons retracé la carrière sportive de Jay-Jay Okocha, mais également les passages de sa vie qui ont fait l’homme qu’il est. Focus sur Jay-Jay Okocha.
Les terrains bosselés comme terrain d’entraînement
Nous sommes le 14 août 1973. La température frôle la trentaine de degrés à cette époque-ci de l’année, à Enugu au Nigeria. Enugu, capitale de l’état d’Anambra ce matin de 1973. En dialecte nigérian, Enu Gwu signifie La ville sur la colline et c’est donc dans cette capitale au sol riche en charbon que naît Augustine Azuka Okocha. Né d’une mère somalienne, le jeune Augustine Azuka vit une une enfance modeste dans un pays où les coups d’État sont trop communs. Le Nigéria, indépendant depuis 1960, subit les affres des pays où tous veulent le pouvoir. Les guerres ethniques, raciales, agrémentent le paysage visible à travers les yeux de celui qui sera bientôt surnommé Jay-Jay par son frère. Le ballon rond semble être rapidement un exutoire et le jeune Augustine Azuka commence donc le football tout d’abord dans les rues de sa ville avec un ballon confectionné avec ce qu’il trouvait, puis au sein de l’équipe de jeunes du club local, l’Enugu Rangers International Football Club, club formateur de John Utaka, futur Lensois. Dans un entretien accordé à la BBC, il est revenu sur le football qu’il a découvert dans les rues d’Enugu : « Pour autant que je m’en souvienne, nous jouions avec n’importe quoi, avec n’importe quelle chose ronde que nous avions pu trouver, et chaque fois que nous avons réussi à obtenir une balle, c’était du bonus! C’était incroyable! » Son talent est déjà visible, mais ne dépasse pas les frontières des terrains bosselés du Nigeria. Et c’est donc à l’abri des regards qu’Okocha se perfectionne. Tout du moins jusqu’à ses 18 ans.
L’Allemagne, première terre d’accueil
Tout juste majeur, Jay-Jay Okocha fait un voyage en Allemagne pour rejoindre son ami Binemi Numa. Ce dernier est un modeste mais respecté joueur du VfB Borussia Neunkirchen. Le joueur a ses laissez-passers et permet donc à Jay-Jay de prouver sa valeur lors de différents entraînements. Il ne lui faudra que trente minutes pour taper dans l’oeil de la direction allemande qui lui propose un contrat dès le lendemain. Le Nigérian s’engage avec le Borussia et en devient rapidement un élément majeur. En troisième division, sa technique attire les regards des grands clubs allemands et après six mois et sept buts en 35 matches, il s’engage avec l’Eintracht Francfort.
Nous sommes donc en décembre 1991 quand Jay-Jay Okocha découvre
la Bundesliga. Sa tonicité, ses dribbles déroutants, la
puissance de ses frappes et la beauté de ses arabesques séduisent
très vite. En Allemagne, le Nigérian devient une véritable star où
il inscrit le but de l’année face au Karlsruhe d’Oliver Kahn.
Admiré par les supporters, respecté par ses pairs, Jay-Jay voit
également les portes de la sélection s’ouvrir devant lui.
Il fait ses débuts avec les Super Eagles en 1993 face à la
Côte d’Ivoire (victoire 2-1). Une rencontre qui permet au
Nigéria de filer aux USA pour la Coupe du Monde. Avant de rejoindre
les Etats-Unis, la sélection participe à la CAN. Jay-Jay Okocha
joue peu, ne marque pas et reste dans l’ombre d’Emmanuel Amunike,
Daniel Amokachi et de Rashidi Yekini. Jusqu’aux
demi-finales de la compétition, il joue peu mais, comme un symbole,
il rayonne face à la Côte d’Ivoire et devient ainsi indétrônable au
milieu de terrain jusqu’à la victoire finale. Direction
les USA pour participer à la Coupe du Monde et sous les ordres du
Néerlandais Clemens Westerhof, les Nigérians accèdent aux
huitièmes de finale après avoir terminé premiers du groupe D. Les
Super Eagles se feront finalement éliminés par les
finalistes italiens sur le score de 2 buts à 1. Il est temps pour
Jay-Jay de revenir en Allemagne afin continuer à briller.
En 1994, Jupp Heynckes débarque à l’Eintracht. Réputé ferme,
l’entraîneur aura par moments maille à partir avec le
Nigérian. Ce dernier, caractériel, n’aime pas les méthodes
fortes de son entraîneur et lui fait savoir. Lui
reprochant un entraînement tardif la veille d’un match face à
Hamburg, Okocha refuse de jouer la rencontre. Alors que tout joueur
se serait vu sanctionné, la popularité du Nigérian le protège.
Okocha est adoré par la population de Francfort et certains
politiciens, à l’image d’Andreas Von Schöller, n’hésiteront pas de
tenter la récupération politique. Jay-Jay surfe sur la vague de sa
popularité et se permet même de sortir un CD, sobrement appelé
« I’m Jay-Jay », et qui se vendra à plus de 10
000 exemplaires.
Le milieu de terrain offensif restera en tout et pour tout 4
ans en Bundesliga et inscrira 18 buts en 90 matches en championnat
mais également deux en Coupe de l’UEFA (en 14 matches).
Lors de l’été 1996, Jay-Jay Okocha décide de quitter
l’Allemagne pour rejoindre la Turquie et plus précisément le
Fenerbahçe. Un transfert qui rapportera 3 millions et
demi d’euros au club allemand. Une somme déjà jugée
insuffisante à l’époque puisque le joueur touchait un peu plus d’un
millions d’euros annuels (salaire très important au milieu des
années 90).
Jay-Jay, figure en club et en sélection
Avant de rejoindre Istanbul, Okocha ira à Atlanta pour
participer aux JO. Titulaire, il participe grandement à l’excellent
parcours des siens. Ils éliminent le Brésil et battent, en
finale, l’Argentin d’Hernan Crespo. Le Nigéria se révèle
et fait peur, mené par Okocha, Oliseh et Taribo West. Une fois à
Istanbul, Jay-Jay Okocha explose et devient rapidement l’un des
joueurs les plus réputés du championnat. Dès sa première saison, il
devient meilleur buteur du club avec 16 réalisations. Il
était plus qu’un joueur, Okocha est devenu un people. Le
Nigérian vend 300 000 euros les images de son mariage avec Nkeshi,
mannequin dans son pays. Comme en Allemagne, le joueur en est
presque idolâtré et prend même la nationalité turque et adopte
le nom de Mohamed Yavuz. En Turquie, le joueur acquiert
plus de régularité qu’en Allemagne, et devient également plus
efficace. Il est de l’équipe qui fait tomber le géant
mancunien à Old Trafford le 30 octobre 1996.
Véritable pilier du club stambouliote, il inscrit pas moins
d’un but tous les deux matches (30 buts en 60 matches), soit les
meilleures statistiques de sa carrière. Mais sa présence
dans un championnat peu réputé, malgré le club historique qu’il
défend, ne font pas encore de lui la star mondiale qu’il mérite
d’être. Et pour cela, la Coupe du Monde 1998 devrait lui être
utile. Et elle le sera.
D’une grande importance lors des phases de qualification, Jay-Jay Okocha permet de redorer le blason d’une sélection africaine alors estimée première à pouvoir remporter la Coupe du Monde. La blessure qu’il subit durant la préparation ne l’empêche pas d’être présent lors du premier match des Nigérians face aux Espagnols. La sélection brillera et finira première du groupe D devant le Paraguay, l’Espagne et la Bulgarie. Le Nigéria apparaîtra comme un vent de fraîcheur, écrasant leurs adversaires. Mais la hauteur des débats entamera fortement le physique des joueurs qui se feront malheureusement sortir en huitièmes de finale face aux Danois (4-1). Toutefois Okocha s’est encore un peu plus révélé et a donc attiré les regards des plus intéressés. Y compris le PSG.
« Le football est fait d’abord pour s’amuser et donner du plaisir » Jay-Jay Okocha
Jay-Jay Okocha, le Super Eagle fait son nid à Paris
Après l’élimination du Nigéria, Charles Biétry, directeur des
sports de Canal+ et futur président délégué du PSG, fait
part de son intérêt pour le spectaculaire et télégénique Jay-Jay
Okocha. Il voit en lui le successeur de Rai et entame donc les
négociations avec la direction de Fenerbahçe. Un accord est
vite trouvé et le Nigérian rejoint le PSG pour quatre ans et pour
un montant de 90 millions de francs (un peu moins de 14 millions
d’euros), ce qui en fait à l’époque le transfert le plus cher de
l’histoire de la Division 1 et le joueur africain le plus cher de
l’histoire du football. Le départ ‘Okocha créé l’émoi à
Istanbul et le club du Fener est alors assailli par les supporters
stambouliotes. Et les débuts parisiens du joueur feront vite
comprendre aux supporters l’admiration qui règne autour du
Nigérian. C’est face à Bordeaux qu’il effectuera ses premières
minutes. Il entre à la 76ème minute, récupère le ballon, dribble
deux joueurs et frappe soudainement des 25 mètres. La frappe,
lourde, trouve la lucarne d’ un Ulrich Ramé impuissant. Premières
secondes, premier ballon, première frappe, premier but. Tout est
dit. C’est le début d’une belle histoire entre Jay-Jay Okocha et le
PSG.
Malheureusement, la beauté de son football se lie trop souvent avec
une inconstance. Le Nigérian se blesse trop souvent, et
quand il est apte il alterne l’excellent et le bien moins
bon. Toutefois, son entente avec Marco Simone saute aux
yeux. Au PSG, il peaufine son geste technique, le
« Jay-Jay » (roulette du pied droit, puis feinte
de roulette pied gauche enchaînée à une feinte de corps). Mais son
inconstance peut entre autres être liée avec les problèmes sportifs
et extra-sportifs du club de la capitale. La transition post-Canal+
est difficile pour le club de la capitale et cela se ressent sur le
terrain. Mais Jay-Jay Okocha verra ses prestations s’améliorer sous
les ordres de Philippe Bergeroo. A son arrivée, le Nigérien est
placé en meneur de jeu, mais sous les ordres du futur sélectionneur
de l’équipe de France féminine, face à Nantes le 3 octobre 1999
plus précisément, Okocha évolue en milieu défensif. Un
repositionnement qui révolutionnera le jeu du Nigérian.
Plus efficace, plus impressionnant, Jay-Jay se redécouvre, et le
Parc également. Ses arabesques, sa technique individuelle
impeccable, son sens du dribble unique et son talent inné
semble plus éloquents. Considéré comme l’un des meilleurs joueurs
passés au PSG, Okocha n’aura toutefois, à l’instar de Ronaldinho,
gagné aucun trophée excepté une Coupe Intertoto en 2001, pour la
forme. En 2001, aux côtés du légendaire brésilien, il
remportera ce trophée aux côtés d’Aston Villa et de… Troyes (où un
certain Jérôme Rothen commençait à briller). L’association
entre Ronaldinho et Okocha promettait énormément, mais n’a jamais
réellement tenu les promesses espérées. Ils évolueront une saison
ensemble avant que le Nigérian, en 2002, ne quitte le PSG, à cause
de Luis Fernandez. C’est en tout cas ce qu’il affirmera à
J+1 : « Malheureusement, j’ai dû quitter
le PSG à cause de Luis Fernandez. C’est la première fois
que je le dis, il est la raison de mon départ. Il avait beaucoup de
mal à nous faire confiance (lui et Ronaldinho, ndlr). Il avait sa
façon de voir les choses, il avait fait venir ses propres joueurs,
il avait sa propre philosophie.« A Paris, ville où son
fils est né, il aura participé à 103 matches en quatre saisons pour
15 buts, il laissera son numéro 10 à Ronnie et, après une Coupe du
Monde ratée, il traversera la Manche pour rallier Bolton. Ainsi
s’achève donc l’histoire entre le PSG et Augustine Azuka Jay-Jay
Okocha.
A la conquête de l’Angleterre
C’est donc en Premier League que
Jay-Jay Okocha tentera de convaincre les foules. A Bolton, il y
retrouvera Bernard Mendy mais côtoiera également Youri Djorkaeff
qui l’a précédé au PSG. Malgré l’âge qui commence à faire effet, le
Nigérian étant à l’orée de ses trente ans lorsqu’il arrive, en
2002, à Bolton, sa technique et ses frappes puissantes font
toujours fureur et, comme dans tous ses précédents clubs, les
supporters succombent rapidement à la Okochamania. Il
devient rapidement la star et le pilier des Wanderers dont il
devient, la saison suivante, le capitaine. Brassard au
biceps, Okocha amène les siens jusqu’en finale de la League Cup
(perdue 2-1 face à Middlesbrough) et permet à son club de s’offrir
le meilleur classement de son histoire en finissant 8ème de Premier
League lors de la saison 2003-2004. L’Angleterre a donc fait la
rencontre de celui, et du seul, qui sera élu deux fois
joueur africain de l’année en Premier League (2003 et
2004). Il est également élu deuxième meilleur joueur de
l’histoire de Bolton, derrière Nat Lofthouse qui a évolué
chez les Wanderers de… 1946 à 1960. Okocha a donc marqué de son
empreinte l’histoire moderne du club britannique mais aussi celle
du championnat anglais et du football mondial. En 2004, il
fait d’ailleurs partie des 100 meilleurs joueurs FIFA, est nommé
par Pelé parmi les 125 meilleurs joueurs vivants et est élu
meilleur joueur de la CAN la même année. En 2006, alors
âgé de 33 ans, il décide donc de quitter son club et de rejoindre
le Qatar SC où un juteux contrat l’attend. Et personne ne lui en
voudra, après ses 14 buts en 124 matches et ses centaines de
dribbles déroutants. Précédemment, suite à son statut de
capitaine qui lui est enlevé et un changement d’attitude de la
direction de Bolton, il refuse une proposition de
prolongation.
Une fin de carrière digne de l’idole qu’il est
Son arrivée au Qatar signe la fin de
carrière de Jay-Jay Okocha, lui qui a mis fin à son parcours
international après 73 matches et 13 buts. Au sein de son nouveau
club, où il devient le joueur le mieux payé du
pays, il participe à 41 matches et inscrit six buts. Une
saison, une seule, et son attachement pour l’Angleterre refait
surface. Il revient donc gratuitement en Grande-Bretagne mais en
seconde division, alors appelée Coca-Cola Championship, sous les
conseils de Dieu selon les propos du joueur. Nous sommes en 2007,
le Nigérian a alors 34 ans. Il participe à 19 matches sans inscrire
un but mais aide le club, son dernier club, à remonter en Premier
League pour la première fois depuis 104 ans. Une dernière mission,
réussie, pour Okocha. Un dernier honneur pour un joueur
admiré, adoré, voire idolâtré, qui, après sa carrière, est
devenu membre du comité technique de la Fédération nigériane de
football (NFF) puis élu président de la Delta State Football
Association le 21 février 2015.
Jay-Jay Okocha. Des dribbles, une force de frappe, un charisme et un sourire. Voilà comment décrire le Nigérian dont l’aura aura fortement marqué le football mondial. Véritable icône dans son pays, son nom est donné à un stade de la ville de Ogwasi Uku. Partout il est passé, il fut admiré et adoré. Et tout ceux qui l’ont vu jouer ne l’oublierons jamais. Jay-Jay, un surnom, un joueur. Une légende.
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