Pochettino : « On est là pour développer les idées du PSG, pas nos idées définies »

Le PSG reçoit ce samedi le FC Nantes au Parc des Princes dans le cadre de la 14e journée de la Ligue 1 (17h00). Après cette trêve internationale, les Parisiens ont pour objectif d’accroitre leur avance en tête du championnat de France et de finir premier de sa poule en Ligue des Champions devant Manchester City. Interrogé longuement par le journal L’Équipe, Mauricio Pochettino est longuement revenu sur ses premiers mois au Paris Saint-Germain, sa vision d’entraineur, son style de jeu… Extraits choisis.

Sa vision du métier d’entraineur

Ses idées

En tant que coach, tu as des idées, des habitudes, une façon de voir le foot. Après, il faut voir dans quel projet tu es et à quelle étape du projet. Quand le PSG vient te chercher, c’est pour que tu t’adaptes à une structure en place, à des joueurs recrutés pour obtenir ce que veut le club. Que veut le PSG ? C’est important de le savoir. Le PSG veut gagner. Gagner la Ligue des champions, le Championnat, la Coupe, tous les matches. On n’est pas venus nous chercher pour bâtir un projet, en nous demandant de quoi on avait besoin pour développer nos idées, ou ce qu’on aime. On est arrivés ici pour nous adapter et pour gagner, avec la structure et les caractéristiques des joueurs qui sont là. C’est très différent. On est là pour développer les idées du PSG, pas pour développer nos idées définies, lesquelles nécessiteraient de bâtir avec les éléments selon nous nécessaires à ces idées.

Du temps pour mettre en place ses idées :

À ça il faut ajouter le temps de les mettre en place, en effet. Quand on parle de projet, on ne parle pas de concepts creux mais de contenus, de planification pour arriver à un objectif. Prenez Liverpool. C’est un club qui a recruté un entraîneur (Jürgen Klopp, en 2015), lui a donné les outils qu’il souhaitait et lui a donné du temps. Avec Tottenham, on a toujours été à la lutte, jusqu’à la finale de la C1 (perdue 2-0 contre Liverpool en 2019), où il faut bien un vainqueur. Ce sont des projets où il y a du temps. Au PSG, le projet est de gagner, et de gagner maintenant. L’adaptation du staff est fondamentale pour trouver la dynamique qui va t’apporter les résultats. Sans résultats, tu ne peux espérer arriver au football qu’au final on recherche tous : on veut tous faire du beau jeu, gagner 5-0, etc.

Les attentes après le dernier mercato :

Les attentes nées cet été font qu’avant même de débuter un match, tu dois gagner et gagner 5-0. Et si après dix minutes de jeu tu ne mènes pas déjà 3-0, pfff… quelle déception ! Je pense que c’est une erreur. L’obligation n’existe pas dans le foot, les adversaires aussi ont des qualités et savent te compliquer les choses. (…) Quelle équipe a eu, ou a, des gardiens du niveau de ceux du PSG ? Navas, Donnarumma, Rico, sans parler des jeunes. C’est quelque chose qu’on n’a jamais vu ailleurs. D’une manière générale, quand on regarde les talents, les noms dans ce club, ça n’a jamais existé dans l’histoire, ou peut-être une fois. Partant de là, personne n’en a l’expérience, on est les premiers à la vivre. Personne n’a le secret de la manière de gérer, de la méthode d’entraînement ou de la philosophie de jeu pour un tel effectif. Nous devons donc nous adapter, en harmonie avec ce que les joueurs ressentent.

Sa gestion du groupe

La gestion humaine, le job principal d’un entraineur du PSG ?

Bien sûr, parce que ça exige de nous d’être un staff équilibré. Il ne faut pas oublier qu’on a entre nos mains les meilleurs joueurs du monde, mais aussi leurs familles, leurs entourages médiatiques, leurs suiveurs. Ce n’est pas facile. Des gens disent : tel joueur ne s’adapte pas, tel joueur souffre, tel joueur a des problèmes. Et le staff ? Et les autres salariés du club, ils n’ont pas de problèmes ? Mais on a des obligations. Il faut trouver un équilibre, et ça vaut aussi pour les joueurs. L’entourage fait souvent que le joueur peut croire qu’il n’a que des droits et pas d’obligations. Quand l’équilibre n’est pas bon, c’est là que ça commence à vriller. Nous, on est souvent les garants pour le rappeler aux joueurs. Regardez, ça fait une demi-heure qu’on discute et on ne parle pas de tactique, de système. On parle de la première chose à régler dans un groupe : coexister de manière harmonieuse. Si tu ne résous pas ça, c’est très compliqué de trouver cette harmonie sur le terrain.

La gestion des gardiens :

Je pense qu’il y a une vision erronée des choses. Prenons les gardiens. Quand tu as deux joueurs en qui tu as confiance et qui démontrent chaque jour qu’ils peuvent jouer, ce serait injuste de donner la priorité à l’un des deux. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas un moment où on fera un choix. Mais je voudrais que vous compreniez qu’en tant que coach la facilité serait de dire : celui-ci est numéro 1, celui-là numéro 2. Il faut du courage pour mettre les deux en concurrence, leur faire comprendre qu’ils doivent être prêts quand on fait appel à eux et qu’ils soient performants. Au lieu de dire qu’on a manqué de cran de ne pas désigner un numéro 1 et un numéro 2, je préférerais qu’on souligne le courage du PSG d’avoir pris Donnarumma alors qu’il avait déjà Navas et Rico. (…) Si on désigne un numéro 1 qui joue tout et qu’il se blesse ? À partir du moment où le club a pris la décision de recruter Donnarumma, qui a terminé meilleur joueur de l’Euro, alors qu’il avait un numéro 1 comme Navas, il n’y avait pas de débat, on devait s’adapter. Notre responsabilité a été de dire : si vous pouvez être en concurrence et vous gérer ainsi, c’est la meilleure solution.

Le style de jeu

Un coach sans identité de jeu ?

Je le dis avec beaucoup de respect, mais cette question traduit un certain manque de respect. C’est comme si je vous disais que vous n’aviez pas de style dans votre écriture. Bien sûr que vous en avez un, vous êtes professionnel et c’est pour ça que vous êtes assis là. Tout entraîneur, au plus haut niveau comme en amateur, a un style. Quand tu travailles pour devenir entraîneur, tu développes ton style : tes goûts, ton management, tes méthodes avec ton staff. On est un staff qui a un style défini, une philosophie, des idées. Après, la question est de savoir comment et à quel moment tu peux mettre en oeuvre ce qui te correspond vraiment. Et ça, ça dépend des exigences du club, comme on le disait tout à l’heure. Si vous regardez ce qu’on a fait à l’Espanyol, à Southampton ou à Tottenham, vous verrez le style de jeu qui nous plaît. Si vous regardez un match de notre première et de notre troisième saison à Tottenham, ce n’est pas la même chose. Parce qu’il y a eu une stratégie pour en arriver là.
Au PSG ? On est dans un processus aussi. On est arrivés en janvier, il y avait une structure d’équipe différente. Cet été, d’autres types de joueurs sont arrivés et ils vont peut-être t’obliger à prendre plus de temps pour mettre en place le style que tu ambitionnes. Ou, si ça se trouve, tu ne l’atteindras jamais.

Équipe compatible à son style de jeu ?

On en revient à l’adhésion qu’on recherche. Peut-être peut-on y parvenir d’une autre manière. Peut-être qu’on ne pourra pas le faire de manière constante, comme on le faisait à Tottenham. Mais je crois qu’on est capables d’y arriver par moments, et de jouer d’une autre manière à d’autres moments. Ça fait partie de notre adaptation. L’autre jour, à Bordeaux (3-2, le 6 novembre), je disais qu’on avait du mal à maintenir un rythme élevé sur la durée, on a besoin de « respirations », mais c’est lié aux caractéristiques de l’effectif qui peuvent nécessiter un équilibre différent. Pour en revenir à la question sur le style, ce n’est pas que ça m’énerve, mais nous, on sait ce qu’on veut. On a une planification et il faut passer les étapes.

Trouver l’équilibre malgré les stars

Il faut trouver l’équilibre. Quand le club prend ce type de décision (recruter de tels joueurs), il mesure le risque. Nous, on est le staff. Notre rôle est d’essayer de faire en sorte que ça fonctionne. Et si on échoue, vous connaissez la suite (sourire). Si on ne gagne pas, on est en première ligne. On assume cette responsabilité, avec enthousiasme. Car si on arrive à faire en sorte que ça tourne bien, ça peut donner quelque chose de magnifique. Pour le moment, on gagne. Je ne pense pas qu’on joue mal mais on doit continuer comme ça en jouant mieux.

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