[Focus n°8] Georges Weah, un Ballon d’Or au Parc des Princes

C’est à Monrovia qu’est né le 1er octobre 1966 Georges Manneh Oppong Ousman Weah. Dans une capitale libérienne fortement marquée par la politique, le jeune Georges se bâtira une mentalité impliquée, lui qui deviendra homme politique plus tard. Mais cela, nous en parlerons un peu après. C’est à Clara Town, quartier très pauvre de Monrobia, que Georges Weah apprendra les bases du football de 1981 à 1984. Puis il posera ses valises au club de Bongrange Company, à Bong, ville minière libéro-germanique. Il n’y restera qu’an puisque l’un des plus grands clubs libériens le repère, le Mighty Barrolle. Club de la capitale, le Mighty Barrolle est une véritable institution avec ses 13 titres de champion et ses 9 coupes du Libéria (chiffres actuels). Malgré tout, il n’y restera qu’un an (7 buts en 10 matches) puisqu’en 1986 il est recruté par un autre géant du championnat libérien, l’Invincible Eleven. Treize titres de champion, 5 coupes du Libéria et une Supercoupe libérienne. Son cousin aura également porté ce maillot, Christopher Wreh, ancien Monégasque et Gunner. Un an, un titre de champion du Libéria et 24 buts en 23 matches plus tard, il quitte son pays pour la première fois et rejoint le Cameroun où il portera le maillot du Tonnerre Yaoundé. Encore une fois, il n’y restera qu’un an puisque, impressionné par sa force physique, son sens du dribble, son titre de champion avec le Tonnerre Yaoundé et ses 14 buts en 18 matches, Claude Le Roy, alors sélectionneur du Cameroun, le conseille à l’AS Monaco. Georges Weah à 22 ans, 51 matches en professionnel et 45 buts à son compteur. Il est temps pour lui de se frotter au football européen.

Georges Weah arrive donc sur le Rocher lors de l’été 1988. Un bien bel endroit pour découvrir l’Europe. Et si, avec du recul, le Libérien fut comme un ouragan qui passait sur la D1, c’est par une défaite qu’il débuta sa carrière européenne. Une première déconvenue administrée par Guy Roux et ses Auxerrois le 17 août 1988 (défaite 1-2). Pourtant, sous les ordres d’Arsène Wenger, Weah inscrit 17 buts en 38 matches et devient le meilleur footballeur africain en 1989. Il découvre par la même occasion la Ligue des Champions, profitant de ses 5 matches pour scorer 2 fois. A Monaco, Georges Weah, issu d’une famille musulmane, se convertit au christianisme, avant de revenir à la foi musulmane quelques années plus tard et enfin se reconvertit au protestantisme. Sans aucun lien, c’est lors de la saison 1990-1991 qu’il remporte son premier trophée européen, la Coupe de France. Aux côtés de Youri Djorkaeff, Weah égalise face à Cannes en quart de finale, la victoire étant offerte par un but contre son camp d’un autre futur Parisien, Jean-Luc Sassus. En demi-finale, face à Gueugnon, Weah inscrit un doublé (victoire 5-0). Titulaire en finale, il resta muet durant 90 minutes mais l’AS Monaco l’emporte tout de même 1-0 face à l’OM grâce à Gérald Passi, entré en jeu à la place de Youri Djorkaeff. Une finale jouée au Parc des Princes. Un premier trophée Porte d’Auteuil, comme un symbole. La saison suivante, il atteint la finale de la Coupe des Coupes mais échouera face au Werder Brême (2-0) suite à une ouverture du score de l’ancien Marseillais et Bordelais Klaus Allofs, devenu depuis directeur sportif du Vfl Wolfsburg. Une défaite qui aura de grandes conséquences dans la carrière de Georges Weah qui, déçu, décide de quitter l’AS Monaco pour rejoindre le PSG. C’est donc auréolé de la réputation d’un puissant et racé attaquant, et sur un total de 66 buts en 159 matches, qu’il pose ses valises au sein du PSG d’Artur Jorge.

Dès sa première saison au PSG, Georges Weah répond aux attentes placées en lui puisqu’il conclut sa saison avec le titre honorifique de meilleur buteur du club avec 23 buts en 45 matches et une Coupe de France. Cette même saison, il atteint les demi-finales de la Coupe UEFA mais perd face à la Juventus (défaites 2-1 et 0-1). Lors de cette campagne européenne, il inscrit 7 buts en 9 matches. La saison suivante, Georges Weah est enfin Champion de France et atteint de nouveau le stade des demi-finales, mais en Coupe des Coupes cette fois-ci. Face à Arsenal, l’attaquant titulaire à l’aller (1-1) est laissé en tribunes lors du match retour. Le PSG perd 1-0 et se fait éliminer. Mais beaucoup se souviendront du titre de champion de France en 1994 quand, pétards à la bouche, les supporters portent Denisot et Valdo en triomphe sur la pelouse. Cette même année, Georges Weah, une nouvelle fois élu meilleur footballeur africain, est naturalisé français, mais ses sélections avec le Libéria lui empêchent de porter le maillot bleu. Mais l’attaquant ne regrette pas, loin de là, d’être prophète en son pays.

A l’aube de sa troisième et dernière saison, Georges Weah fait la connaissance de Luis Fernandez, idole du Parc et nouvel entraîneur parisien. Sous les ordres de l’ancien international français, le PSG est aux sommets de son art. Avec six victoires en six matches de Ligue des Champions, le club de la capitale rayonne et Georges Weah plane au-dessus du football européen. Le Spartak Moscou et surtout le Bayern Munich d’Oliver Kahn s’en souviennent. En quarts de finale, le PSG affronte le FC Barcelone et élimine l’ogre catalan (1-1 et 2-1, but à l’aller du Libérien). Mais, pour la troisième fois d’affilée, le club de la capitale sort au stade des demi-finales, éliminé par le Milan AC qui gardera un œil attentif sur Georges Weah, devenu meilleur buteur de la compétition. Les Parisiens concluent donc une bonne saison en terminant troisièmes de Ligue 1 et en faisant le doublé Coupe de France-Coupe de la Ligue. Resté en contact avec le club milanais, le natif de Monrovia accepte de rejoindre le club italien en fin de saison, poussé par d’imbéciles semblants de supporters qui, suite aux envies déclarées du Libérien de rejoindre Milan, scanderont, bannière bariolée de croix celtiques aux poings, « Weah, on n’a pas besoin de toi. » 

Pourtant, David Ginola exprimera lui aussi ses envies d’ailleurs mais ne sera jamais conspué par cette petite mais visible mauvaise graine de supporters. Peut-être que la raison de cette ire ne serait pas forcément que sportive… C’est donc après avoir inscrit 55 buts en 138 matches que Mister Georges quittera le PSG, avec dans son escarcelle un titre de champion de France, deux Coupes de France et une Coupe de la Ligue. Il quitte la France après avoir, en sept ans, inscrit 121 buts en 287 matches. Il emporte avec lui un titre de champion, 3 Coupes de France et une Coupe de la Ligue. Mais, ce qui restera comme l’un des symboles de la carrière de Georges Weah, sera le Ballon d’Or qu’il recevra en décembre 1995, alors au Milan AC, mais qui le récompensera principalement pour ses exploits sous le maillot du PSG. Histoire de rentrer encore un peu plus dans la légende, il est le premier joueur non européen à remporter cette distinction individuelle (1995 fut d’ailleurs la première année où un joueur non-européen pouvait être élu). Et aujourd’hui encore, il est le seul joueur africain a avoir été élu Ballon d’Or. En 1995, il remporta également le titre de meilleur joueur FIFA de l’année et le Onze d’Or. A Paris, il laissa d’ailleurs une excellente image, lui qui sillonnait les rues de Paris pour distribuer les plateaux-repas non mangés du Camp des Loges. Contacté par nos soins, Patrick Mboma nous dévoile d’ailleurs une anecdote digne du grand homme qu’était Georges Weah.

« Le 26 mai 2012 je fait mon jubilé au Cameroun et je lui demande un an avant s’il accepte de venir. Il me dit oui. Six mois avant, j’ai la date alors je lui redemande s’il vient, pas de réponse. Trois mois avant je lui envoie donc un mail. Il m’a alors répondu « Mais Patrick, si je te dis que je viens, c’est que je viens. » Il était en pleine élections, et pourtant il est venu. Il a d’ailleurs très bien joué. Gros emploi du temps donc directement après le match il nous a tous remercié et est reparti au Libéria. »

A l’AC Milan, Georges Weah remportera deux titres de champion dont un la première année (1996 et 1999) et restera sur les mêmes statistiques impressionnantes qu’au PSG puisqu’en 4 ans il jouera 147 matches et inscrira 58 buts. Il fait ses débuts sous le maillot rossonero face à Padova (victoire 2-1). Il ouvre le score en moins de six minutes et offre une passe décisive à Baresi. Débuts prometteurs aux côtés de Roberto Baggio, Dejan Savicevic et Marco Simone. Il ne marquera « que » onze buts en 26 matches mais sera l’un des grands artisans du 15ème Scudetto milanais en devenant le meilleur buteur du Milan AC sa première saison. En Italie, il inscrira des buts mémorables dont un magnifique suite à un ballon qu’il récupère dans sa surface de réparation, slalome tout le milieu de terrain, élimine 7 joueurs et marque face à Verone. En 1996, il remporte pour la troisième fois le titre de meilleur joueur africain de l’année mais aussi le titre de meilleur joueur africain du siècle. Cette année-là pourtant, Weah crée la controverse. Suite à un match de Ligue des Champions le 20 novembre 1996, le Libérien fracasse le nez de Jorge Costa, joueur du FC Porto. L’ancien Parisien accuse sa victime de propos racistes, propos non vérifiés par les deux équipes. Jorge Costa subit alors une chirurgie du visage, l’éloignant trois semaines des terrains. Georges Weah quant à lui écope de six matches de suspension. Cette année-là pourtant, l’attaquant remporte le titre FIFA Fair-Play. Weah a essayé d’utiliser le football comme un moyen d’apporter le bonheur et promouvoir l’ éducation pour les enfants au Libéria. En 1998, Weah a lancé un CD intitulé Lively Up Africa mettant en vedette le chanteur Frisbie Omo Isibor et huit autres stars du football africain. Les ventes de ce CD sont utilisées pour organiser des programmes pour enfants dans les pays d’origine des athlètes concernés.

En janvier 2000, Georges Weah rejoint le Chelsea FC. Alors âgé de 33 ans, il ne parvient pas à s’imposer au sein de cette équipe londonienne mais, malgré son faible temps de jeu (11 matches), il arrive à marquer 3 buts et a remporter la FC Cup aux dépens d’Aston Villa (1-0). Pourtant, le joueur est rapidement adoré des supporters suite à son but dès son premier match, face à l’ennemi Tottenham. Ses rares apparitions l’incitent à s’investir auprès de l’équipe nationale et n’hésitera pas à user de son propre argent pour aider sa sélection. Malheureusement, le Libéria échouera à un point du Nigéria qui se qualifiera pour la Coupe du Monde 2002. Lors de l’été 2000, Georges Weah s’engage avec Manchester City mais n’y restera que quelques semaines puisqu’après 9 matches et 4 buts, il fait son retour en France, mais pas forcément dans le club attendu.

Lors du mois d’octobre 2000, Weah s’engage chez l’ennemi intime du PSG, l’Olympique de Marseille. Au grand plaisir des Parisiens, le Libérien ne s’attarde pas chez les Phocéens. 20 matches, 5 buts et puis s’en va. Georges Weah s’engage rapidement pour Al Jazira aux Emirats-Arabe Unis. Il y finira ses jours de footballeurs avant de prendre sa retraite en 2003, juste avant que Pelé ne le place parmi les cent meilleurs joueurs au monde. Mais là ne s’achève pas la belle histoire de Georges Weah.

Le Libéria est en proie aux guerres civiles et Georges Weah compte bien aider son pays. En 2005, il entre en politique et se présente aux élections présidentielles sous la bannière du Congress for Democratic Changes. Placé parmi les favoris, le désormais ancien footballeur est pourtant tancé pour son manque d’expérience, ce à quoi il répond que ce ne sont pas les personnes inexpérimentées qui ont causé la mort de centaines de milliers de mort suite aux guerres civiles. Le 8 novembre 2005, il perd finalement les élections avec pourtant 40,4% des votes. Ellen Johnson Sirleaf est élue et est devenue par la même occasion la première femme élue au suffrage universel à la tête d’un Etat Africain. Surnommée « La Dame de Fer », Ellen Johnson Sirleaf est d’ailleurs toujours au pouvoir et a proposé à Georges Weah de devenir le Ministre des Sports et de la Jeunesse. Le 28 décembre 2014, il devient sénateur de Monrovia. Avec 78% des voix, il devance largement Robert Sirleaf, le fils de la présidente.

La légende de Georges Weah est longue et belle, et un article ne suffirait pas à la narrer. Mais Timothy Weah, son fils qui joue au PSG au sein du centre de formation, a des chances de la perpétrer. L’histoire d’amour entre la famille Weah et le PSG ne semble donc pas achevée.

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