Focus #16 Raí, le Cap’tain du siècle

Régulièrement, Canal Supporters vous propose de revenir sur la carrière d’un joueur passé par le PSG. Pour ce 15ème numéro, nous avons retracé la carrière sportive de Raí, mais également les passages de sa vie qui ont fait l’homme qu’il est. Focus sur Raí qui fêtait hier ses 53 ans.

Rai et Dona Guiomar, sa maman (Europe1)

 

Le 15 mai 1965, une date importante dans l’histoire du PSG. Pourtant, le club de la capitale n’existera que dans cinq ans, mais vient de naître l’un des plus grands joueurs de sa future histoire. Nous sommes à Ribeirão Preto au Brésil, le « Ruisseau noir » en portugais, et une future gloire du football pousse son premier cri. Juste après le coup d’éclat qui installa la dictature au Brésil, Raí vient de venir au monde au sein d’une famille qui a un goût certain pour la philosophie. Socratès, Sófocles et Sóstenes sont les prénoms donnés à trois de ses cinq grands frères (les deux autres sont prénommés Raimundo et Raimar).

Les frères au complet (Europe 1)

Son père Raimundo voulait, au départ, l’appeler Xénophon, mais sa femme, Dona Guiomar, a réussi à l’en dissuader. C’est son papa qui, justement, a toujours insisté sur l’importance d’une éducation sportive et physique. C’est au sein de l’établissement catholique « Marista » qu’il démontre son goût pour le sport en pratiquant du basket, du volley, du handball et du football. Le football il aime ça et y joue beaucoup, mais de son côté. Admiratif de son frère Socratès qui aura une glorieuse carrière, Raí (se prononce Ra-i) déambule dans les rues de sa ville, balle au pied, dans le quartier de Sumaré dans les hauteurs de la ville. Son quartier. Le talent dont il est doté saute aux yeux, mais pas question pour lui de jouer en club. Non, Raí préfère l’innocence du football entre amis plutôt que la compétition des clubs. Et surtout, il joue déjà au basket, en club. Il a pratiqué ce sport entre 12 et 14 ans et a même fait partie de l’équipe vice-championne de la Recreativa de la ville de Ribeirão Preto. Ce sera seulement à l’âge de quinze ans qu’il succombera aux sirènes de Botafogo Ribeirão Preto après avoir réalisé un test suite aux conseils d’un de ses amis. Il y sera formé trois ans avant de débuter sa carrière professionnelle au sein du club de sa ville. L’histoire d’amour entre Raí et le football vient de commencer, et nous caressons actuellement les prémices d’une belle aventure. Ô monde du football, souhaite donc la bienvenue à l’un de tes meilleurs joueurs.

C’est donc à Botafogo Ribeirão Preto, en 1981, que Raí débute son aventure footballistique. Durant trois ans, le meneur de jeu travaillera ses gammes avant de signer, en 1984, son premier contrat professionnel. Un contrat qu’il ne signe pas par hasard car quelque chose va venir tout changer. Raí devint papa à seulement 17 ans d’une petite Emanuela qu’il a eu avec Christina. Si beaucoup aurait pu être déstabilisés, Raí, lui, assume et devient un homme encore plus rapidement. Un événement qui, sûrement, aura un impact sur sa vie sportive. Il doit assumer son enfant et va donc réclamer à son président un contrat professionnel, sous peine d’arrêter le football. Culotté, mais efficace. Et osé aussi pour le président d’accepter car Raí n’est pas le joueur le plus sérieux. Souvent en retard aux entraînements, les supporters criaient même son nom pour que, lors d’un match, il se rappelle qu’il devait jouer. Distrait, le Raí. Durant deux ans il fera des apparitions de plus en plus récurrentes avant de conclure une dernière saison dans la peau d’un titulaire indiscutable, bien poussé par Pedro Rocha qui devint l’un de ses mentors. Trois ans en professionnel pour 38 matches et 2 buts, puis Raí quitte son club pour rejoindre brièvement l’AA Ponte Preta. Là-bas, il ne participera qu’à 10 matches (1 but) puisqu’il rejoindra rapidement le club phare de São Paulo FC en 1987 malgré le très grand intérêt des Corinthians. Ce transfert battait déjà des records puisque, à l’époque, il était le plus important de l’histoire (entre deux clubs brésiliens) en atteignant les 24 millions de cruzados. Il y deviendra rapidement un élément important, notamment sous l’influence de l’entraîneur Telê Santana, ancien sélectionneur de la Seleçao. Sous ses ordres, il sera pour la première et unique fois Champion du Brésil en 1991 (il sera d’ailleurs meilleur buteur) et remportera par deux fois la Copa Libertadores (1992 et 1993).

« Le style rigoureux de Telê a été très important pour le perfectionnement de mon jeu. Il m’en demandait chaque fois plus, exigeait le dévouement aux entraînements et j’ai fini par avoir davantage les pieds sur terre et la tête sur les épaules. »

Il fera même le quadruplé en 1992 grâce à une victoire en Coupe Intercontinentale face au FC Barcelone de Johan Cruyff (où il fut élu meilleur joueur), puis une victoire lors de la Recopa Sudamericana et en devenant Champion de São Paulo. Ce titre, il le remporta d’ailleurs trois fois avant son départ (1989, 1991 et 1992). 1992, un millésime pour le Brésilien qui sera élu meneur de jeu de la « Dream Team du Brésil », puis meilleur joueur du championnat auriverde, meilleur joueur brésilien, meilleur joueur en America do Sul (élu par El Pais) et fera partie des 5 meilleurs joueurs du monde selon WSN. Raí prend de l’ampleur, autant en club qu’en sélection.

Raí fait ses débuts avec la sélection brésilienne le 19 mai 1987 face à l’Angleterre (1-1), lors de son arrivée à São Paulo, prenant donc le relais de son frère Socratès dont la dernière sélection remonte à 1986. S’il s’avère utile et qu’il remporte rapidement les jeux Panaméricains, le meneur de jeu démarre la plupart des rencontres sur le banc. Ce n’est que vers 1992 qu’il s’impose, devient titulaire indiscutable et porte même le brassard.

C’est donc avec le statut de capitaine du Brésil que Raí débarque au PSG en 1993, mais également avec le statut de meilleur joueur sud-américain.  Selon l’organisme IFHHS, il fait partie cette année des 3 meilleurs joueurs offensifs du monde et est considéré par la FIFA comme l’un des 10 meilleurs joueurs du monde. Le joueur a signé à Paris six mois auparavant, lors de l’hiver 1992. Une sécurité de la part du club de la capitale qui ne souhaitait pas voir le capitaine brésilien s’engager ailleurs. Le Brésilien aurait pu s’engager avec l’Olympique de Marseille, mais c’est Michel Denisot, Valdo et Ricardo qui l’ont convaincu de venir à Paris. Lors d’un dîner organisé dans un restaurant, le président parisien a tenu ces propos : « Valdo, Ricardo, que penseriez-vous si Raí signait à Marseille ? » L’histoire veut que le regard lancé par ses compatriotes ait suffi à convaincre Raí qui s’est donc engagé avec le PSG. Seulement, sa première saison sera très difficile. Valdo, étincelant, est très présent, rendant plus compliquée l’intégration de Raí sur le rectangle vert. Une nouvelle culture, un nouveau pays, une nouvelle langue. Difficile pour le Brésilien de prendre ses marques, malgré le titre de Champion de France en 1994. Alain Roche lui-même ne comprenait pas, et déclara il y a quelques années « C’est le capitaine du Brésil, il ne peut pas être un tocard. » En effet, Raí n’est pas un tocard, et il n’allait pas tarder à le prouver. Mais pour cela, retour avec la sélection pour faire le plein de confiance. Direction les Etats-Unis et la Coupe du Monde 1994.

Aux USA, Raí débute donc titulaire, brassard de capitaine au biceps. Dès le premier match, face à la Russie, il inscrit son seul et unique but de la compétition, sur penalty (victoire 2-0). Son temps de jeu va grandement se réduire dès les huitièmes de finale et il perdra son statut de capitaine au profit de Dunga. Mais qu’importe, il est Champion du Monde et revient à Paris l’esprit ragaillardi. Il est temps pour les supporters parisiens de découvrir qui est réellement Raí.

Dès sa deuxième saison, il s’imposera comme l’une des pièces maîtresses du Paris Saint-Germain. Rapidement surnommé « Cap’tain Raí », le Brésilien est classe, le Brésilien est technique, le Brésilien est beau à voir jouer. Son regain de forme se traduit par un triplé Trophée des Champions-Coupe de France-Coupe de la Ligue en 1995 et est placé au sein de la Team Europe selon European Media Sport. Mais le Brésilien est aussi un grand homme, aux valeurs indéniables sur lesquelles nous reviendrons un peu après. Raí était également un excellent tireur de penalty, bénéficiant d’une légendaire maîtrise de soi. En 1996, il remporte avec le PSG la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe face au Rapid Vienne. Si cette année, en 1996, le PSG se fait humilier par la Juventus Turin en finale de la SuperCoupe de l’UEFA (défaites 6-1 à l’aller et 3-1 au retour), Raí n’y est pour rien, étant clairement au-dessus du lot. Lors du mythique match face au Steaua Bucarest en 1997, il inscrit un triplé (idéalement servi trois fois par Leonardo). Et pour mieux s’imprégner de la culture française, il s’inscrit à la Sorbonne et prend des cours de civilisation française et de philosophie, afin « d’apprendre le français d’une autre manière ». Un autre homme, une autre époque. Il quittera finalement le PSG lors de l’été 1998, sur un doublé Coupe de France-Coupe de la Ligue. Au PSG, il restera donc 5 ans. Le temps de tisser un lien d’amour indéfectible, fortement visible lors de ses adieux. S’il joue son dernier match parisien à Châteauroux, c’est au Parc face à Monaco que l’air trembla d’émotion. Les supporters, encore aujourd’hui amoureux de Raí, organisèrent deux animations en tribune et firent tonner l’atmosphère de chants à sa gloire. Des pancartes jaunes et vertes fleurissaient dans les travées du Parc et des « Aquarela do Brasil » déboulaient de partout. C’est en pleurs que le Brésilien leur dit adieu. Si de Rouge et Bleu sont teintés son cœur et ses veines, d’un rouge vermeille et larmoyant étaient ses yeux ce soir-là. 215 matches, 72 buts, et autant d’amour offert au PSG, à Paris, aux Parisiens.

Contacté par nos soins, Patrick Mboma nous livre son avis sur le joueur qu’était Raí, mais aussi sur l’homme : « Une première saison ratée, avec une vision un peu décalée du football. Il était là depuis quelques semaines, pour un stage, et ce que j’ai vu était impressionnant. Même aux entraînements, le niveau technique et de compréhension du joueur étaient incroyables. Humainement, même si je le côtoyai peu, il était très accessible. Il disait ce que tu attendais que l’on te dise. C’est un homme qui te valorisait, quelqu’un qui met en confiance. Il m’a apporté un plus. Il s’exprimait peu, mais était à chaque fois très juste dans ses propos. »

1998, l’année de la fin pour Raí puisque, après avoir quitté le PSG, il stoppe sa carrière internationale après 51 matches et 17 buts. Et, comme pour consoler sa patrie de la défaite en finale de la Coupe du Monde organisée en France, Raí rentre au pays. Raí rentre à São Paulo. Mais c’est un peu comme si son cœur était resté Porte de Saint-Cloud. De retour sur ses terres, et preuve de ses valeurs, il fonda avec Leonardo l’association Gol De Letra, une association caritative qui met l’accent sur l’éducation des enfants et adolescents, et a pour but de développer l’éducation et la formation des enfants de quartiers défavorisés au Brésil.
Les enfants, il connait bien puisqu’après être devenu papa à 17 ans, il devient grand-père à seulement 33 ans d’une petite Naira ! « Le destin m`a conduit à vivre dans un univers féminin, qui est un éternel apprentissage. Emanuella, Raíssa, Noah et Naira forment mon équipe préférée. » Retour au football puisqu’avec São Paulo, il disputa donc ses deux dernières années professionnelles dans un club auriverde qu’il connaît bien. Il ne devait rester qu’un an, mais décida de rester une saison de plus après s’être déchiré les ligaments de la cheville. Il participa à 87 matches pour 13 buts, et mit un terme à sa carrière. Il inscrit son dernier but le 27 juin 2000 face à Palmeiras et participe à son dernier match le 22 juillet suivant, face au Sport Club do Recife (défaite 3-1). Une longue et belle carrière, Jaune, Verte, Rouge et Bleu. Un peu comme une version bossa nova de Charles Aznavour. Et de l’amour, surtout, beaucoup d’amour.

« Raí est un homme plein d’esprit. Il a la fantaisie et la générosité des Brésiliens, la conscience et l’élégance des Français » Nathalie Iannetta

 

C’est à la fin du bal que l’on paie les musiciens selon l’adage. C’est un peu pareil pour les sportifs, c’est à la fin de leur carrière que l’on voit de quelle trempe ils étaient. Et, à coup sûr, Raí était l’un des meilleurs. Il aura marqué de son empreinte deux clubs : São Paulo et le PSG. Deux clubs où il sera élu meilleur joueur du siècle. Et ces équipes lui rendirent bien l’amour réciproque qui les lie. Lors d’un match du PSG, quelques années plus tard, quand ils découvrirent qu’il était présent en tribune d’honneur, les supporters et même les joueurs se mirent à scander son nom. Le 7 juillet 2006, six ans après l’arrêt de sa carrière, il est nommé durant un an ambassadeur du PSG en Amérique du Sud. Et comme pour prouver un peu plus l’attachement à double-sens de Raí à l’égard de la France, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur par François Hollande avant d’obtenir son passeport français le 7 juin 2016. En 2007, il décide de couper avec sa vie habituelle et s’installe à Londres, le temps d’une année sabbatique, « afin de vivre dans une autre ambiance, d’expérimenter de nouvelles choses, de faire le point. » Durant ces douze mois, il prend le temps de rédiger un livre de philosophie pour les enfants qui sera au programme de nombreuses écoles. A Londres, il étudie l’anglais, l’économie et la gestion sportive. Il travailla aussi comme correspondant international pour le réseau CBN. Aussi bien à Paris qu’à Londres, Raí a toujours préféré se déplacer en transports en commun ou en bicyclette, habitude qu’il adopta dès son retour à São Paulo.

Raí est un homme simple, et c’est dans la simplicité que l’on trouve le bonheur. En tout cas le bonheur, à Paris, il nous l’a apporté. Nós o amamos e nós sempre o amaremos. Parisiense para vida.

Les précédents « focus » sur les anciens Parisiens
Focus #11 : Pierre Ducrocq, Rouge et Bleu devant l’Eternel
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