« Les ultras sont les derniers romantiques du football »
Alors que le football a repris en Allemagne avec des huis clos, Sébastien Louis, historien, spécialiste des supporters et auteur du livre de 440 pages « Ultras, les autres protagonistes du football » (Mare & Martin), explique la spécificité de ceux qui sont les premiers à donner de la ferveur au stade.
« La culture ultra dépasse le cadre du stade, elle se vit au quotidien. Nombre de ces supporters définissent leur groupe comme une seconde famille, commente Louis dans Ouest France. Cette crise a fait tomber les masques. De nombreux ultras ont multiplié les formes de solidarité pendant que les dirigeants de ce football toujours plus industrialisé, et coupé des réalités, n’ont pensé qu’à leur argent. […] Cela fait des années que les ultras sont les syndicalistes d’un football populaire. […] Aujourd’hui, pourquoi s’intéresse-t-on à la Ligue 1 ? Sûrement pas pour le spectacle proposé. Les stades sont remplis car les gens viennent ressentir une ambiance. Les dirigeants parlent d’expérience et dégagent des recettes grâce à cela. Ils ont besoin de ce public pour animer les stades. On l’a vu au PSG où, face au manque d’ambiance du Parc des Princes, les dirigeants sont allés au-delà des consignes de la préfecture et ont intégré très rapidement le Collectif Ultras Paris dans un virage du stade (en 2016). […] Avant d’être spectateur d’une équipe, de joueurs, de dirigeants, l’ultra défend avant tout son maillot, son blason, sa ville. […] Les ultras sont des doux rêveurs qui défendent une sorte de chimère, celle du football populaire, mais aussi les vertus du collectif (leur tribune) dans une société de plus en plus individualiste. Selon eux, le stade n’est pas un lieu de consommation, où des individus se retrouvent le temps d’un match, mais un lieu important de mixité sociale où se nouent des amitiés, se forment des communautés, se transmettent des valeurs. Cette vision, ils la défendront encore longtemps. Ce sont les derniers romantiques du football. »